La "réponse" d'une trompette.

(Voir à titre d'illustration les travaux de Kenneth Fung)

La vibration de la colonne d’air qui donne le son ne se crée pas instantanément quand le trompettiste veut jouer une note. C’est un processus complexe qui peut être favorisé ou perturbé par plusieurs facteurs.
• Le trompettiste commence par émettre dans l’embouchure un train d’ondes à la fréquence approximative de la note qu’il veut jouer.
• Le train d’ondes arrive au bout du pavillon et une partie est réfléchie vers l’embouchure. En revenant à l’embouchure, si la fréquence initiale était bien celle d’une résonance de la colonne d’air de l’instrument, les ondes réfléchies sont en phase avec les ondes initiales et se renforcent mutuellement, établissant le régime d’ondes stationnaires qui produit le son.
• Si la fréquence initiale ne tombe pas juste sur une résonance de la colonne d’air, les ondes réfléchies vont réagir sur les lèvres en avançant ou retardant la phase. Le train d’ondes modifié repart vers le pavillon et le processus se répète jusqu’à ce que la fréquence soit celle d’une résonance (à moins que l’instrumentiste ne maintienne volontairement la fréquence hors résonance, comme dans le cas des sons pédale).
Il faut donc un délai minimal pour créer une note. En supposant que la vitesse de groupe du train d'ondes soit la moitié de la vitesse du son à l’air libre, et en admettant qu’il faut au minimum deux allers-retours du train d’ondes pour établir un régime vibratoire stable, le délai de mise en place d’une note est de 3 à 4 centièmes de seconde pour une trompette en si bémol de bonne qualité jouée par un instrumentiste expérimenté. Un débutant mettra plus de temps car son impulsion initiale sera éloignée du régime vibratoire recherché, ce qui se traduira par un défaut audible de propreté des attaques.
• Si la perce de l’instrument comporte des irrégularités (mauvaise fabrication, bosses, pistons mal alignés, ...) une partie de l’onde sera réfléchie par ces irrégularités avant d’atteindre le pavillon. Cet écho parasite revenant à l’embouchure va modifier la phase de façon erronée, entraînant des allers-retours supplémentaires du train d’onde avant d’arriver au régime stationnaire. A la limite, un grave défaut de l’instrument peut aller jusqu’à empêcher le processus de converger vers la fréquence de résonance recherchée si le train d’ondes initial n’est pas exactement calé sur cette fréquence. Vous trouverez ici un article de Richard Smith, publié en mai 1988 par le ITG Journal, qui montre comment on peut mettre en évidence ces réflexions parasites et leur effet sur la réponse.
• Enfin, les vibrations du métal (au niveau du pavillon ou de la branche d'embouchure) peuvent perturber la mise en vibration de la colonne d'air. En effet, si une résonance du corps de l'instrument est en phase avec la note jouée ou une de ses harmoniques, la mise en vibration sera inhibée car la vibration du métal absorbe toute l'énergie de la colonne d'air à cette fréquence. Conséquence : un déplacement de quelques millimètres des entretoises entre la branche d'embouchure et le pavillon peut modifier de façon importante la réponse de l'instrument.

Conséquences pratiques :
• Quand on essaie un instrument que l’on envisage d’acheter, il faut vérifier sa réponse. Je recommande l’attaque du La et du Sol# aigus car ces notes mettent en jeu l’ensemble des coulisses de l’instrument. Attaquer piano, un peu à côté de la note pour vérifier que l’instrument se recale très vite vers la note juste.
• Si l’instrument présente des défauts de justesse, la fréquence du train d'ondes à l’attaque sera décalée par rapport à la résonance, d'où un retard de la réponse. C’est souvent le cas sur les instruments de bas de gamme.
• Un défaut de réponse sera plus perceptible sur un instrument à haute impédance que sur un instrument à basse impédance. En effet, l’impédance est directement liée au pourcentage d’onde réfléchie par le pavillon et par l'embouchure. Si ce pourcentage est faible (basse impédance), l’instrumentiste a plus de contrôle sur la fréquence au moyen de ses lèvres, et peut donc aider à la caler sur la résonance. C’est pourquoi de nombreux trompettistes confondent réponse et ouverture.
• Un alignement soigné des pistons, assurant la continuité de la perce depuis l’embouchure jusqu’au pavillon, améliore quelquefois la réponse de façon spectaculaire sur un instrument ayant quelques années, dont les rondelles de feutre sont tassées ou usées.
• Le cornet et le bugle ont une perce approximativement conique sur la majeure partie de leur longueur, donc la vitesse de groupe du train d’ondes est plus proche de la vitesse de phase (voisine de la vitesse du son à l’air libre). Conséquence : le régime vibratoire stationnaire met deux fois moins de temps à s’établir, d’où une réponse plus immédiate que celle de la trompette.
En utilisation courante, le troisième piston est utilisé de façon très minoritaire. Je n'ai pas fait de statistique précise mais je pense qu'en gros il n'intervient que pour 10 % des notes jouées dans le répertoire courant. Les tout premiers cornets à pistons Stölzel n'avaient même que deux pistons. C'est probablement le raisonnement qui a conduit Courtois à développer son système "à colonne d'air directe" (le modèle "Grand Siècle", qui n'est plus fabriqué) dans lequel la troisième coulisse est du même côté que les autres comme pour les bugles à pistons, contrairement à la construction habituelle des trompettes, ce qui permet d'améliorer la réponse en réduisant le nombre de coudes du tuyau quand le troisième piston n'est pas utilisé. De même Yamaha construit une piccolo (la 9820, photo ci-contre à droite) dans laquelle le quatrième piston est remplacé par une extension de la coulisse du troisième permettant d'atteindre le "Fa" grave (un Ré réel pour la piccolo en La) sans perturber la colonne d'air pour la majorité des notes jouées.

Pour en savoir plus :
Le terme "réponse" n'est pas toujours compris de la même façon par les vendeurs ou les musiciens : la définition que j'en donne dans cette page, à savoir la capacité d'un instrument à produire rapidement une vibration stable sur toute sa tessiture, a au moins le mérite d'être précise. En anglais, on trouve le même problème de terminologie : on parle de "response" mais aussi de "free blowing" si l'instrument répond bien, alors qu'un instrument qui ne répond pas bien est qualifié de "stuffy".
Le centre de recherche en acoustique de l'université de Vienne (Institut für Wiener Klangstil) a lancé en 2002 un programme de recherche sur la "réponse" de la trompette (et des autres cuivres), sous la direction du Dr. Matthias Bertsch, dont l'objectif est de trouver une méthode de mesure permettant de détecter les différences de réponse entre instruments. Dix ans après, les résultats publiés ne montrent pas de progrès important dans la compréhension du phénomène. Leur méthode entièrement basée sur des mesures d'impédance en régime stationnaire me semble inadaptée à un phénomène essentiellement transitoire. Les études de Richard Smith sur l'utilisation de la réflectométrie d'impulsion pour détecter des différences entre instruments théoriquement identiques me paraissent plus prometteuses.