Faisant  suite à la prise de conscience de l’implication du corps, explicitée dans la page précédente, je parlerai de la gorge, autre élément important à  considérer.
  
  Pour  ne pas ressentir de contractions et ainsi se fatiguer inutilement par un acte  de "passage en force", celle-ci doit toujours être ouverte et non resserrée. Dès lors, la  facture sonore paraît beaucoup plus souple et aisée.  
  Pour  comprendre cette sensation de gorge  ouverte, il suffit de reproduire le début du bâillement, acte maintes fois  répété naturellement par tout un  chacun. 
  Autre  possibilité pour ressentir l’ouverture de sa gorge, sucer un bonbon au menthol,  le coincer entre les dents en aspirant l’air extérieur, pour se rafraîchir la  cavité buccale puis le fond de la bouche, puis la gorge, en essayant de faire  descendre la sensation de fraîcheur au plus profond de celle-ci. 
  Ce  mouvement permet de prendre conscience des relâchements des différents muscles la  constituant. Nous constatons une sensation semblable à celle d’une préparation  à l’avalement d’une gorgée d’un de  nos breuvages préférés. 
  Le  terme avaler est à choisir ici en  opposition à celui de vomir. Cette sensation d’avaler est à garder en  permanence pendant le temps de jeu instrumental. Elle est étroitement liée à la retenue du souffle dont nous avons  déjà parlé dans les pages précédentes. 
Pour  aider au prolongement de la sensation, il est tout à fait possible de boucher  le palais mou situé en fond de bouche, faisant suite au palais dur. On donne  l’impression d’être enrhumé, et d’avoir le nez bouché. Si on teste l’exercice  en parlant, on s’aperçoit rapidement qu’il devient impossible de prononcer  correctement certaines syllabes comme "hein" "on".  Par contre nous effectuons inconsciemment un travail compensatoire d’ouverture  de gorge afin d’essayer de prononcer ces syllabes.  Pour s’entraîner, il est intéressant d’essayer  de parler comme les ventriloques, en fond de gorge sans articulation visible  sur le masque facial. La difficulté est de désolidariser les mouvements de  langue, des muscles de la gorge. Nous allons comprendre un peu plus loin dès  qu’il s’agira de faire fonctionner la langue, que celle-ci pourra alors  articuler beaucoup plus facilement dès qu’elle bougera sans l’entrave "d’un courant d’air" et sans la volonté  de s’exprimer à tout prix, en s’énervant et donc en articulant vers l’extérieur.
Comme  annoncé dans l'introduction nous allons puiser notre expérience  et notre savoir dans l’observation des actes de notre vie de tous les jours.
  Portons  notre attention sur la mise en oeuvre de notre expression vocale. Pour utiliser  le langage parlé, nous utilisons ce que l’on appelle les voyelles et des  consonnes. 
  Exercice1 : 
  Prononcez  très longuement une voyelle comme par exemple [ O ] ou [ U ]  tout en plaçant votre main à plat sur votre ventre, sur votre dos, puis au creux  des reins. Répétez plusieurs fois  cet  exercice en insistant sur la durée de la prononciation. Constatez alors, les  mouvements conséquents de cet acte.
  Exercice2 :
  Prononcez  une consonne utilisée dans le jeu instrumental comme [ t ]  ou [ k ].  Attention j’ai bien spécifié la consonne  seulement (pas de [ té ] ou [ te ]  mais simplement [ t ] ou [ K ]). Placez votre main sur votre corps  comme précédemment pendant l’exercice avec les voyelles. Sa prononciation est  obligatoirement brève. Constatez les mouvements résultants de cette  prononciation. 
  Observations :
  Dans  le premier exercice, un mouvement du diaphragme, des muscles ventraux et  dorsaux est facilement observable. (Rappel de l’expérience citée ici). Notre participation corporelle est assez importante.
Dans  le deuxième exercice, l’ensemble du corps reste inerte sauf la partie langue  qui "joue" avec le palais et éventuellement la gorge qui a tendance à se contracter.
On  constate donc que le fondement du son parlé s’appuie sur le mécanisme de  l’élaboration de la voyelle. Le mouvement de langue n’est qu’une articulation d’un débit régulier sans  pour autant influencer la constance de ce débit. Il en est exactement de même  pour la facture sonore instrumentale des instruments dits à vents.
  Une  image peut illustrer mes propos.
Considérons  une phrase. Celle-ci est comprise entre deux virgules, c'est-à-dire début  d’expiration, fin d’expiration. On peut s’imaginer une barre d’un seul tenant  qui serait tranchée avec un fil à couper le beurre mais dont l’épaisseur ne  serait pas coupée totalement. Autre image que j’emploie souvent devant mes  élèves : celle du train. La phrase serait le train dont les wagons sont  articulés. Si on détache un wagon, il ne fait plus partie de ce train donc de  cette phrase. C’est ce travail sur cette réflexion qui permet de maintenir la  continuité d’un phrasé malgré la nécessité d’une articulation éventuellement  complexe (staccato, variations harmoniques…).
Voici  un petit exercice concret, test pour nous aider à prendre conscience de cette énonciation. 
  -Dans  un premier temps prononcez "Ta", attendez une seconde, redites  "Ta" puis répétez le à la suite : "TaTaTaTaTaTa…..".  Maintenez le dos de votre main sur le devant de la bouche. 
  Constatez :  un courant d’air assez conséquent et quelques postillons sont ressentis.  Voudriez-vous accélérer votre débit que ces effets augmenteraient et qu’une  contraction de gorge se créerait.
  -Dans  un deuxième temps prononcez "At" puis redites le en effectuant  une liaison entre chaque "at" : "atatatatatatat….".  Maintenez le dos de votre main sur le devant de la bouche.
  Constatez :  vous ressentez un débit d’air bien moindre, plus régulier, vous pouvez plus  facilement accélérer votre prononciation. Physiquement vous vous sentez plus à  l’aise et l’on ressent déjà les prémices d’une ouverture de gorge.
  Vous  pouvez également réaliser la même expérience en disposant sur une feuille de  papier, des confettis, le tout, placé à la sortie de votre bouche. Dans le  premier exemple ils seront soufflés immédiatement. Dans le deuxième cas, le  fait d’essayer de ne pas les faire envoler, nous conduit à une retenue de  souffle instinctive. C’est ce mouvement interne que l’on doit tenter de mettre  en pratique au moment du jeu instrumental.  
  En  réalité votre voyelle est dans le  deuxième cas, beaucoup plus porteuse,  la langue est moins contrainte, et l’expression de votre consonne se réalise  par rebonds. D’ailleurs, si vous vouliez parler très vite, vous devriez adopter  cette procédure afin de ne pas "en avoir plein la bouche" et finir par  bafouiller. 
  Pour  l’articulation dans le jeu instrumental il en va de même. La position de la  langue est primordiale. Au départ de l’action celle-ci doit s’observer dans sa  position naturelle, dans une cavité buccale non crispée : les dents des  deux mâchoires se frôlent, la langue est relâchée, nous la ressentons épaisse.  Les bords de celle-ci touchent les molaires supérieures, le bout de langue touche  les incisives de la mâchoire inférieure (concerne les musiciens jouant d’un  instrument à embouchure). Le dos de la langue épouse la forme du palais. En  fait la langue est positionnée de manière à prononcer la syllabe "Kiiiii".
Dans  les débuts de l’apprentissage d’un instrument dit à vent, une vigilance et une  prudence sont requises, quant à la mise en œuvre de la production sonore  instrumentale. Beaucoup de musiciens sont pressés d’obtenir un joli son,  propre, net, et sonore. La consonne [t] va malheureusement souvent servir de déclic.  J’appellerai celle-ci : "illusion" ou cache misère, parce  que l’utilisation du processus à mettre en œuvre la voyelle ne sera pas, ou mal  considéré. Faîtes l’expérience : après quelques secondes de silence, dites  "ta" vous constaterez, qu’à cet instant la langue se décolle puis se  recolle. D’où un danger extrême à se polariser et à mettre sur un piédestal ce  fameux "t" de départ, car à lui seul il provoque la réunification de toutes  les tensions.
Monsieur  Pichaureau (cf. introduction) en avait vite déduit qu’un apprentissage de  l’instrument ne devait pas commencer par une émission articulée. Il avait  lui-même beaucoup souffert du "Tu qui tue" disait-il. La préconisation  est de débuter par une émission voyelle du type " U" et seulement  après avoir ressenti, et pris conscience de l’implication du corps pour la  réalisation de celle-ci que l’on peut commencer à articuler et non pas  l’inverse.
Nous  poursuivrons dans la page suivante, avec les lèvres, la pince, et nous  parlerons du premier contact extérieur représentant l’instrument. 
© Alain Faucher 2006