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Relation entre le spectre interne et le timbre perçu

Jusqu'à maintenant nous avons étudié le niveau des composants harmoniques d'une note, mesuré à l'intérieur de l'embouchure au moyen d'un microphone spécial. Ce que l'on entend dans la salle de concert est bien sûr quelque chose de très différent. Le spectre produit à l'intérieur de l'embouchure est transformé en spectre entendu dans la salle de concert par la nature sélective de la transmission du son depuis l'embouchure jusqu'à la salle en passant par le pavillon.
Figure 16
Figure 16: Transmission de l'énergie acoustique
en fonction de la fréquence
Ce processus de transmission a beaucoup d'aspects, même sans tenir compte des complexités acoustique de la salle ni de celles de notre mécanisme de perception, qui fait un travail remarquable en traitant la grande irrégularité des propriétés de la salle pour nous donner une perception objective de la qualité de son de nos instruments. D'un point de vue qualitatif, la transformation du spectre depuis l'embouchure jusqu'à ce qu'on entend dans la salle de concert ressemble au contrôle de tonalité "aigus" d'un amplificateur hi-fi. Autrement dit, les composants les plus hauts du son produit intérieurement sont émis préférentiellement. Nous commençons tout juste à comprendre les mystères de la fonction de transformation.

Les études de la transformation, étroitement liée mais beaucoup plus simple, entre le spectre interne et celui obtenu avec un microphone placé à un endroit soigneusement choisi juste devant le pavillon de la trompette (comme c'était le cas dans mes expériences avec Charles Schlueter) montrent que la transformation n'est pas la même pour des notes jouées fort ou jouées doucement et qu'elle diffère d'un instrumentiste à un autre beaucoup plus que dans le cas du spectre interne lui-même. Pour cette raison, je montre seulement l'allure générale et qualitative de la fonction de transformation sur la figure 16. C'est aussi à cause de cette complexité, qui n'est que partiellement résolue, que je limiterai ma discussion de la nature générale du spectre externe à un exemple simple, et l'utiliserai comme base pour des commentaires sur ses seules implications musicales scientifiquement prouvées actuellement.

Les figures 17a et 17b montrent les spectres externes de l'Ut4 écrit (Sib3) joué sur la trompette en Sib moderne et le La3 de la trompette en Ré baroque.

Figure 17a
Figure 17a : Spectre externe d'un Ut4 écrit (Sib3) sur une trompette moderne en Si bémol

Figure 17b
Figure 17b : Spectre externe du La3 de la trompette baroque en Ré

Ces spectres sont analysés à partir d'enregistrements faits avec un microphone externe, enregistrés sur la deuxième piste de la même bande qui contenait les données de spectre interne dont sont tirées les courbes des Figure 13a et Figure 15. Nous pouvons voir d'un coup d'oeil que les spectres externes produits par les deux instruments sont tout à fait différents. La trompette moderne a un spectre pour les notes jouées forte dans lequel au moins les deuxièmes et troisièmes partiels sont plus présents que le fondamental, tandis que dans le spectre de l'instrument baroque, tous les partiels inférieurs sont de force plus ou moins égale. Dans un diminuendo, le spectre et donc le timbre d'un instrument moderne évolue (vers une simplification) considérablement plus que pour l'instrument baroque. Autrement dit, dans un decrescendo l'instrument baroque garde sa richesse de timbre jusqu'à un niveau dynamique bien inférieur au niveau correspondant d'une trompette moderne. Les implications de cette différence pour le musicien sont considérables, particulièrement quand on tient compte de la différence de conception acoustique entre ces instruments. Il est intrinsèquement plus facile sur un instrument à perce longue de réaliser l'ajustement exact des pics de résonance qui donne la stabilité d'émission des notes dans les registres médium et grave d'un cuivre. Pour cette raison, un instrument baroque vraiment bon permet un jeu confortable aux niveaux dynamiques bas et permet de filer des diminuendos jusqu'à un niveau tout à fait étonnant pour un joueur de trompettes actuelles. Ces avantages de conception de l'instrument baroque expliquent pourquoi il est si difficile de maintenir l'équilibre tonal et dynamique entre une trompette moderne et un petit ensemble de chambre du genre utilisé par Bach et Händel. Le trompettiste ne peut pas "se donner" dans son instrument pour avoir un son plein et la sécurité d'attaque sans couvrir les autres instruments. Je laisse à d'autres contributeurs de ce livre la discussion détaillée de cette question et ferai simplement remarquer que le texte de Philip Bate21 court mais précis sur ce sujet est en accord complet avec les faits acoustiques décrits ci-dessus.

L'acoustique de la trompette
Notions préliminaires d'acoustique
La "trompette d'eau", un analogue à ce qui se passe à l'intérieur d'une trompette
La fonction des lèvres du musicien
La fonction du tuyau et du pavillon - A l'intérieur de la colonne d'air
La coopération requise pour un résultat musical
La trompette baroque
Le spectre interne de la trompette moderne
Le spectre interne de la trompette baroque
Relation entre le spectre interne et le timbre perçu
La trompette de Menke
Le problème d'une attaque propre
Mahillon revisité
Conclusion
Notes bibliographiques