Bobby Shew
(version originale en anglais)*



Quatre principes de base pour jouer les cuivres sans problèmes

Le confort des lèvres
La mise en pression abdominale de l'air
Le contrôle de l'ouverture
Le choix d'une embouchure adaptée


1) LE CONFORT DES LÈVRES


Il n'est pas possible de bien jouer si on ne se sent pas à l'aise et confortable en posant l'embouchure sur les lèvres. Le but premier d'une "mise en lèvres" efficace et raisonnée est d'assurer ce confort en recréant une sensation familière. Naturellement, les sensations d'un débutant ne sont pas profondément gravées dans sa mémoire, et donc ce critère de familiarité est moins important. Il y a beaucoup d'avis péremptoires sur le genre d'exercices qu'il faut jouer pour la mise en lèvres. La plupart de ceux-ci ont une certaine efficacité, mais ne constituent généralement pas un ensemble cohérent tel que requis pour un travail quotidien.

Laissant d'abord l'instrument de côté, nous avons appris des professionnels des milieux sportifs et du monde médical qu'un simple tremblement des lèvres et des joues est une forme de massage qui augmente l'irrigation sanguine des muscles. Cela permet de débarrasser les muscles des résidus d'acide lactique accumulés après avoir joué un certain temps. Cela apporte aussi de l'oxygène et de la glycémie aux muscles, tous deux nécessaires pour un fonctionnement optimal. Cette préparation des muscles doit durer quelques minutes, en fonction des individus et du travail à effectuer. Quelques périodes de repos aideront à se mettre en condition et à évaluer le degré d'échauffement. Naturellement, se préparer à jouer la partie de leader d'un ensemble de jazz n'est pas la même chose que se préparer pour jouer en harmonie ou en orchestre symphonique, mais dans les deux cas la préparation peut commencer par le tremblement ("flutter"). C'est seulement quand on en vient à l'échauffement final sur l'instrument qu'il y a une différence. Entre temps, je pense qu'il est très important de pratiquer un peu de "buzz" sur l'embouchure avant de passer à l'instrument.
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2) LA MISE EN PRESSION ABDOMINALE DE L'AIR

C'est un des aspects du jeu des cuivres qui a suscité beaucoup de controverses. Bien des assertions sur l'importance du diaphragme ont entraîné des instrumentistes dans la voie de la confusion, de la courbature des lèvres et de l'incapacité à jouer. La partie haute du torse contient une importante FAMILLE de muscles qui sont tous conçus pour fonctionner conjointement, particulièrement quand nous faisons quelque chose qui nécessite une expiration forcée, telle que souffler des bougies, cracher ou JOUER D'UN INSTRUMENT A VENT.

Il y a trois couches de muscles abdominaux de l'aine au sternum ; il y a deux couches de muscles (intérieure et extérieure) entre les côtes ; il y a les muscles du dos depuis la région lombaire jusqu'aux épaules ; il y a le diaphragme juste en-dessous des poumons, et il y a des muscles qui descendent en diagonale de derrière les oreilles jusqu'au sommet de la cage thoracique. Quand une personne fait une expiration forcée, c'est l'ensemble de ces muscles qui est mis à contribution. Tous se contractent simultanément pour augmenter la pression de l'air dans les poumons. Ceci permet d'augmenter la vitesse de l'air, une des premières conditions pour monter dans le registre aigu. La zone à contrôler n'est pas le diaphragme mais le centre des muscles abdominaux, situé près du nombril. La contraction se centre naturellement sur cette zone simplement en soufflant comme si on voulait cracher un grain de riz ou souffler des bougies. En apprenant à contrôler la contraction, soit isométrique pour maintenir un niveau de pression, soit par contraction et relâchement selon ce qu'on a à jouer, on se rend compte que c'est réellement l'appui abdominal qui contrôle l'air. Cet appui abdominal agit certainement sur le diaphragme mais ce n'est pas le diaphragme seul qui agit sur l'air, c'est la FAMILLE de muscles, tous guidés par le "centrage" abdominal.
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3) LE CONTRÔLE DE L'OUVERTURE


L'aspect de loin le plus méconnu du jeu est ce qui se passe entre les lèvres et l'embouchure quand ou joue. On nous a rabâché pendant des années que nos lèvres sont supposées vibrer constamment en "buzz" quand on joue n'importe quelle note. Effectivement, les lèvres vibrent, mais PAS dans la position rapprochée que nous prenons pour le "buzz". L'air qui a été comprimé doit avoir un passage pour sortir de façon contrôlée du corps.
En réalité, l'air est dirigé initialement vers la surface de la lèvre supérieure, aussi loin que possible vers l'avant. Quand il se déplace à une vitesse suffisante, il fait vibrer la lèvre au point d'impact. L'air ne fait pas que s'écouler sur la lèvre, il forme un tourbillon qui tourne vers le bas, et ce mouvement active une vibration de la surface de la lèvre inférieure, qui à son tour crée un autre tourbillon vibrant. Ces tourbillons (vortex) sont à la base de la vibration synchronisée qui s'établit entre les lèvres... et qui PRODUISENT LE SON.

Plus les lèvres sont rapprochées, plus le son est piano, doux ou "pincé". Quand on écarte un peu les lèvres, la première chose qu'on remarque est que l'air passe plus librement et que le son est plus ouvert. Avec l'ouverture, l'instrumentiste doit augmenter l'appui abdominal pour augmenter le flux d'air qui va occuper l'espace accru entre les lèvres (en maintenant sa vitesse). Ceci oblige l'instrumentiste à utiliser de l'air, ce qui est la façon efficace de jouer. Tout le monde parle de l'air, mais quand on en arrive à expliquer ce qui se passe et ce que l'instrumentiste est supposé faire, c'est la plus grande confusion. Jouer piano nécessite de réduire l'ouverture des lèvres pour tenir compte de la diminution du flux, mais comprenez bien que quand vous voulez "faire éclater les murs" en tant que première trompette dans une situation exigeante, la clé est d'adapter l'appui abdominal et le flux d'air à l'ouverture des lèvres.

Il faut aussi développer convenablement les muscles qui contrôlent l'ouverture. Le meilleur exercice que je connaisse pour cela est le "buzz" pour autant que l'instrumentiste ne confonde pas la position fermée des lèvres nécessaire au "buzz" avec la position ouverte qui permet de jouer réellement. Le "buzz" ne doit pas être pratiqué trop longtemps. Il vaut mieux le faire par intermittence, habituellement 30 secondes 10 fois par jour, et beaucoup moins les jours où on a un service à assurer.
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4) LE CHOIX D'UNE EMBOUCHURE ADAPTÉE

Utiliser une embouchure inadaptée, c'est comme essayer de planter des clous avec un tournevis. On nous a tous seriné dès le plus jeune âge qu'"il faut tout jouer avec la même embouchure" ou d'éviter de tomber dans le piège des changements d'embouchures". Eh bien, je dois vous dire que j'ai suivi ces recommandations pendant des années. Je persistais à croire que les professeurs savaient de quoi ils parlaient. Après de nombreuses années dans le métier, ayant joué dans un grand nombre d'ensembles assis à côté de tant de trompettistes renommés, j'ai constaté une attitude différente vis-à-vis de leurs instruments. Les gens étaient toujours à la recherche de "l'embouchure magique" .... ET ILS CHERCHAIENT ! Rechercher, essayer, poser des questions, etc... est une expérience passionnante et on peut réellement apprendre des choses très importantes sur le choix des embouchures et comment les utiliser, en fonction des différentes situations rencontrées. Quelques uns des plus grands solistes classiques que je connais utilisent des embouchures différentes selon la trompette utilisée, en ut, en si bémol, piccolo, etc... Certains changent même quelquefois d'embouchure pour une même trompette en fonction du style de musique. Pour moi, cela parait raisonnable : c'est choisir l'outil adapté au travail demandé.

Vous pouvez réellement aider et encourager vos jeunes élèves en étant plus positif, réaliste, et INFORME sur le choix d'un équipement adapté. Simplement, pour un jeune élève qui joue dans un ensemble classique (harmonie ou orchestre d'élèves), il est recommandé d'utiliser une embouchure assez profonde. Le son sera plus musical et l'élève sera mieux à même de jouer dans le style. En revanche, si le même élève joue dans un big band de jazz, il faut lui conseiller une embouchure relevée, non seulement pour faciliter le registre aigu, mais aussi pour obtenir une réponse plus immédiate et un jeu plus aisé. Naturellement, l'important est que les embouchures aient le même bord et le même diamètre intérieur. C'est facile à obtenir si l'élève joue une embouchure de grande marque. Il n'est pas toujours indispensable d'avoir EXACTEMENT le même bord ou diamètre, mais d'en être proche. Le jeune élève ne remarquera pas et ne sera pas très gêné par une petite différence, alors qu'un pro y serait probablement très sensible, ... mais pas toujours !


N'ayez pas peur de faire des ESSAIS !! Il vaut mieux explorer et découvrir que de garder la tête et l'esprit enfouis dans le sable de la tradition (et de la sous-information). BONNE CHANCE !!!


Bobby Shew, 1997


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©1997 Bolikes Music