35. Interaction entre colonne d'air, anche et voies respiratoires du musicien dans les instruments à vent.
Arthur H. Benade
     
       
       Extrait de  Vocal Fold Physiology: Biomechanics, Acoustics
  and Phonatory Control, Denver Center For Performing Arts (1985), ed Titze
  and Scherer.
  Original
      version in English
  
   RÉSUMÉ
  
   Les instrumentistes ont toujours insisté sur l'importance
      d'obtenir une configuration correcte de leur voies respiratoires. C'est
      pourquoi les succès apparents de la théorie usuelle 
      des anches vibrantes et des colonnes d'air musicales, qui ne tient pas
      compte des effets de la colonne d'air interne de l'instrumentiste, sont
      devenus de plus en 
      plus mystérieux au fur et à mesure que le sujet mûrissait.
      Puisque cette théorie 
       a été utile jusqu'à présent pour guider la
       construction de bons 
      instruments, la confiance en ces techniques est suffisante pour 
      permettre d'aborder sérieusement le problème de son extension
      incluant les voies respiratoires de l'instrumentiste.  La plus grande
      part de l'énergie est produite à des fréquences où A[(Zu +
      Zd)//Zr]≈>l.
      Ici,  A et Zr sont la transconductance et l'impédance
      de l'anche tandis que Zu et Zd sont les
      impédances d'entrée des colonnes d'air vues en amont et en
      aval de l'anche. Des effets non-linéaires couplent ces sources d'énergie
      via une action hétérodyne, que l'on prenne en compte Zu ou
      non. Le développement des techniques de mesure par FFT et réflectométrie
       d'impulsion pour les impédances des colonnes d'air de l'instrument et
      du musicien ont permis une extension significative de la théorie. La plupart
      des configurations de voyelles (supraglottales) créent des pics d'impédance
      Zu dans la gamme des 450 à 1500 Hz qui sont capables de jouer
      un rôle important pour les instruments. Le fait que ces pics ne coïncident
      pas avec les fréquences des formants de la parole a contribué à entretenir
      la confusion, de même que le fait que certains instrumentistes utilisent
      inconsciemment les résonances de leurs voies respiratoires alors
      que beaucoup ne les utilisent pas du tout.
      
      I. INTRODUCTION
      
      
Ce rapport a pour but de fournir un compte-rendu préliminaire
sur la façon dont les voies respiratoires de l'instrumentiste
interagissent avec la colonne d'air et l'anche d'un instrument à
vent. Nous avons aujourd'hui une très bonne compréhension
théorique de l'interaction entre l'anche et la colonne d'air,
dans la mesure où il est possible non seulement de
décrire la nature acoustique de l'interaction mais
également de l'utiliser comme un guide efficace du facteur
d'instruments dans ses efforts pour construire un bon instrument ou
pour en améliorer un déjà existant. C'est pourquoi
notre mission est relativement simple : nous devons seulement montrer
comment les complexités additionnelles liées à la
colonne d'air de l'instrumentiste modifient la physique
mathématique du système plus simple anche/colonne d'air,
puis examiner la façon dont le système modifié
diffère dans son comportement de celui qui a été
complètement étudié.
       
       La première réaction du lecteur au paragraphe précédent
       pourrait bien être une remarque du genre : "depuis des centaines
       d'années les musiciens ont insisté sur l'importance
       de la configuration de la bouche
       et de la gorge de toute personne qui veut jouer  d'un instrument
       à vent à un bon niveau. Comment alors  peut-on prétendre
       sérieusement avoir compris un instrument à vent sans tenir
       compte de ce fait ? En outre, comment peut-on ensuite présenter l'importance
       de la colonne d'air interne de l'instrumentiste comme une nouvelle découverte
       ?" J'espère que les réponses à
       ces questions importantes vont d'elles-mêmes clarifier la nature
       de ce qui a été nouvellement compris.
       
       Pendant de nombreuses années j'ai vaillamment dit à mes amis
       musiciens (et à moi-même, dans mon incarnation en tant qu'instrumentiste
      amateur sérieux) que le rôle de la colonne d'air de l'instrumentiste
      pourrait être clarifié seulement après que les autres
      facteurs plus évidents de la vibration musicale
      auraient été
      correctement élucidés.
       
       En fait, aujourd'hui la question s'est inversée, prenant la forme
       :       "comment  une partie aussi largement influente du système
       dynamique a pu rester incognito pendant des années d'investigations 
       où des
       modifications de seulement deux ou trois
        paramètres acoustiques parmi des milliers d'autres pouvaient
        aisément être associés à leurs
       conséquences
       dynamiques
       et musicales?" 
       
       Il sera peut-être utile de reformuler les remarques précédentes
       de la
       façon suivante avant que nous regardions la physique elle-même. 
       LES VOIES RESPIRATOIRES DES POUMONS A LA BOUCHE
       INFLUENCENT-ELLES DE
       MANIÈRE SIGNIFICATIVE LE JEU DES INSTRUMENTS A VENT  ?
       1.      LES MUSICIENS SONT UNANIMES POUR DIRE
      QUE OUI. 
      2.     L'ACOUSTICIEN MUSICAL A EU TENDANCE À IGNORER
      LA QUESTION, OU À LA METTRE
      DE CÔTÉ COMME UNE INFLUENCE RELATIVEMENT PETITE. 
      
      Le point (2)  ci-dessus est une simplification délibérément exagérée.
      Des mesures et des spéculations d'une nature acoustique ont été
      faites au cours des décennies, mais pour
      différentes raisons aucun consensus clair ne s'est développé.
      Le
      récit détaillé de cette branche de l'histoire ne contribuera
      pas
      de façon appréciable à notre but actuel, qui est de
      donner une description concise de ce qui est connu aujourd'hui, sous une
      forme qui (si tout va bien) soit intelligible à un lectorat qui
      s'intéresse principalement à la biophysique de l'instrumentiste lui-même
      plutôt
      qu'aux
       détails de son interaction avec un instrument à vent.
       
       Arrivé à ce point de mes observations
      préliminaires, je voudrais qu'il soit clair 
      que le présent
      rapport veut être
      un peu plus
      qu'une annonce de certains des résultats récents obtenus à
      Cleveland. Pour la brièveté, je courrai donc le risque de
      frustrer
      mes lecteurs et d'ennuyer d'autres chercheurs dont les
      résultats
      n'y sont pas correctement cités. Je mentionnerai  cependant ici
      le nom ceux de mes collègues passés et présents qui
      ont apporté une  contribution particulièrement large (au
      delà des
      limites de leurs publications) aux investigations
      rapportées
      ici ; ce sont
      Walter Worman, George Jameson, Stephen Thompson, et Peter
      Hoekje. Le présent rapport n'aurait pas été possible
      sans leur collaboration directe. C'est vrai de George Jameson et de
      Peter Hoekje en particulier. A part cela, je présenterai
      seulement les détails bibliographiques qui peuvent directement aider
      le lecteur dans sa compréhension de la discussion actuelle. Un
      rapport formel de recherches avec les références et la
      documentation appropriées est préparé par Hoekje
      et moi-même pour être soumis au Journal of the Acoustical
      Society of America.
      
      II. FORMULATION DU PROBLÈME 
      
       
La
      figure 35-1 montre la nature générale du système
      dynamique considéré. Le système peut être considéré comme
      la concaténation de quatre segments principaux :
      le conduit sublaryngal (terminé à son extrémité inférieure
      par les
      poumons de l'instrumentiste), le larynx (qui dans le cas présent est soit
      grand ouvert soit partiellement fermé d'une façon qui ne lui
      permet pas
      de vibrer), le tractus vocal (qui est largement réglable par
      l'intermédiaire des mouvements du palais mou, de la langue, des
      mâchoires, etc..), l'anche de l'instrument de musique (dont
      le point de fonctionnement, l'amortissement, etc., sont commandé par
      la position et la pression des lèvres de l'instrumentiste), et la
      colonne  d'air musicale (dont les propriétés acoustiques
      sont commandées
      par
      l'intermédiaire des doigts de l'instrumentiste sur les divers clefs
      et/ou
      trous). 
      
      Dans tout instrument à vent, bois, cuivre, voix (ou
      même harmonica !), nous trouvons trois sous-ensembles en interaction
      : un conduit d'air de l'émetteur de vent (la colonne d'air interne
      de l'instrumentiste ou le pied du tuyau d'orgue et la boîte à
      vent située en-dessous), un dispositif de régulation
      de débit
      (l'anche de roseau ou les lèvres pour un instrument à vent
      orchestral, le larynx du chanteur, l'anche libre de l'harmonica, ou l'anche
      d'air du flûtiste), et enfin une
      certaine sorte de résonateur et de système
      de
      rayonnement qui assure le couplage final à la salle dans laquelle
      le son doit être émis. Mettant de côté la
      famille des
      flûtes, le dispositif de commande d'écoulement
      est
      un piston dont le degré de fermeture est déterminé par
      la
      différence de pression entre les deux côtés d'une surface
      de fonctionnement. 
      
      La figure 35-2 présente deux versions du système basique commandé par la
      pression. L'une des pressions de commande est maintenue en partie par les
      poumons et produite en partie par les perturbations acoustiques ayant leur
      origine dans le conduit respiratoire de l'instrumentiste (en abrégé PWW
      pour "player's wind-way"). L'autre pression agissant sur la valve (l'anche)
      provient de l'embouchure de l'instrument et résulte de l'activité acoustique
      qui se produit dans la colonne d'air de l'instrument
      (en abrégé IAC pour "instrument air column"). Dans
      la figure 35-2a le fonctionnement de la valve est tel qu'une augmentation
      de pression en aval pd entraîne
      une augmentation de débit. Ce fonctionnement est typique des instruments
      à anche d'orchestre et des jeux d'orgue à anche. La figure
      35-2b montre, au contraire, un système où le fonctionnement de la valve
      est inversé et où une augmentation de  pd réduit
      le débit u, fonctionnement typique des cuivres. 
      
      
Par
      commodité, nous définirons les directions dans ce système de guide d'ondes
      pratiquement uni-dimensionnel à l'aide des termes "amont" et "aval",
      par référence au sens d'écoulement de l'air depuis les poumons de l'instrumentiste
      jusqu'à la pièce dans laquelle il joue. Ainsi l'une des pressions qui commandent
      le débit agit sur le côté amont de l'anche tandis que l'autre s'exerce
      sur le côté aval. La terminologie basée sur cette convention
      empêche les ambigüités du genre de celles que produirait  l'utilisation
      des mots "haut" et "bas". Pour un clarinettiste, l'air circule vers le
      haut dans les voies respiratoires puis vers le bas dans l'instrument. Imaginez
      de décrire de la même façon ce qui se passe dans un
      tuba ou un basson ! 
 
      
      Il est commode aussi de caractériser le PWW et la IAC par leurs
      impédances
      vues par le contrôleur de débit. On désignera par 
      Zu l'impédance
      du PWW vue en amont, tandis que l'impédance de la IAC sera notée
      Zd.
      L'anche elle-même nécessite deux caractérisations,
      puisqu'elle joue deux rôles dans le système vibratoire complet.
      Nous définirons son impédance
      acoustique  Zr comme la vitesse du volume qu'elle déplace
      quand elle bouge en réponse à une variation de pression exercée
      sur l'une quelconque de ses faces 
      (voir la figure 35-2) ; l'autre propriété, peut-être
      la plus basique, est sa caractéristique de contrôle de débit
      qui est en général une fonction
      non linéaire.
      Cette caractéristique de contrôle de flux est le plus commodément
      spécifiée en exprimant le débit u par un développement
      de Taylor en fonction de la différence de pression p entre les deux
      faces de l'anche, comme dans l'équation 35-1.
      
      u(t) = u0 + A p(t) + B p2(t) + C p3(t)
+ + + +
+                   
(35-1) 
      
      Comme l'anche fonctionne comme un système ressort-masse-amortisseur, on
      voit d'emblée que  Zr présente une propriété de résonance
      qui la rend inversement proportionnelle au facteur  D(ω)
      défini dans l'équation 35-2. 
      
      
                                                 
 (35-2) 
      
      Ici ωr est la fréquence naturelle
      de l'anche et  gr est
      sa bande passante à demi-puissance. On voit en outre que puisque le débit
      d'air qui franchit l'anche dépend de sa position (et donc indirectement
      de la pression qui agit sur elle), les coefficients de contrôle de débit
      sont eux-mêmes résonants par nature. C'est à dire que ces coefficients
      peuvent s'exprimer comme le produit de leur valeur à un régime permanent
      de basse fréquence (A0,
      B0, C0, . . .) par le facteur D(ω)
      défini ci-dessus. Ce fait se révèle très important pour notre compréhension
      du jeu des instruments. On peut utilement remarquer que A0 est
      positif pour le système de valve des "bois" de la figure 35-2a et négatif
      pour celui des "cuivres", représenté sur la figure
      35-2b. 
      
      Exprimons maintenant la relation entre pression et débit sur les faces
      amont et aval de l'anche, en termes d'impédances Zu,
      Zd, and Zr.
      La direction positive du flux acoustique est définie comme le sens d'écoulement
      du flux d'air continu provenant des poumons du musicien. 
      
      u = pd/Zd + (pd - pu)/Zr                                                                    
(35-3a) 
      
      -u = pu/Zu + (pu - pd)/Zr                
                                                   (35-3b)
      
      Le premier terme du membre de droite de chacune de ces équations exprime
      simplement la relation ordinaire entre la pression à l'entrée d'un guide
      d'onde et le débit qui y pénètre.
      Le second terme donne la mesure du flux qui occupe le volume balayé par
      l'anche elle-même quand elle se déplace sous l'influence de la différence
      de pression entre ses deux faces. 
      
      Les équations 35-3a et 35-3b peuvent être combinées d'une façon intéressante
      et utile : le débit u qui passe par l'ouverture de l'anche s'exprime très
      simplement en fonction de la différence de pression p entre
      les faces de l'anche comme le montre l'équation 35-4. 
      
      p = u(Zu + Zd)//Zr                                                                              
(35-4) 
      
      Autrement dit, la différence de pression de part et d'autre de l'anche
      est proportionnelle à  la somme des impédances amont et aval,
      en parallèle
      avec l'impédance de l'anche (qui tend à être très
      grande comparée aux autres
      impédances, de sorte qu'elle a un rôle secondaire, quoique
      non-trivial, dans le processus d'oscillation). Cette impédance combinée
      sera notée
      Z sans indice. 
      
      Pour préparer la prochaine étape de la discussion,
      il faut récapituler la nature du problème dont nous 
      essayons de décrire la solution. Quand on joue d'un instrument à
      vent, les impédances amont et aval (ainsi que l'impédance propre de l'anche)
      sont couplées aux poumons, source principale de la pression d'air, via
      une valve contrôlant le débit. Le système est maintenu en oscillation par
      une boucle de rétroaction dans laquelle la perturbation acoustique au niveau
      de l'anche (c'est à dire la différence de pression entre ses faces) commande
      le contrôleur de débit, et le débit résultant
      sert d'excitateur pour les ondes amont et aval. 
      
      L'équation 35-1 nous donne une représentation formelle de
      la propriété
      de l'anche comme contrôleur de débit commandé par la
      pression u(p), tandis que l'équation 35-4 représente de façon
      très compacte la
      réponse en pression du système global (PWW + IAC + anche) à
      une variation de débit. Notons que les deux équations relient le
      débit u, qui est le même des deux côtés de l'anche, à la différence de
      pression p entre ses faces. En d'autres termes, notre analyse peut se focaliser
      sur p et u via l'impédance combinée Z et le "polynôme de contrôle" u(p),
      sans avoir à se préoccuper des complications des réponses individuelles
      de nos trois sous-systèmes au flux qu'ils engendrent conjointement via
      un couplage non linéaire.
      
      Du point de vue de la physique mathématique nous avons ici une 
      première explication de la raison pour laquelle les effets
      produits par le 
      PWW n'ont pas automatiquement détruit notre capacité à effectuer
      des 
      calculs significatifs guidés, et vérifiés, par
      des expériences 
      avec des anches et  divers types d'IAC - il suffisait que le PWW ne
      produise pas d'effet antagoniste ou masquant. Nous avons eu la chance,
      en effet, pendant 
      de nombreuses années que ce soit le cas assez 
      longtemps pour nous permettre d'appréhender solidement la physique
       essentielle.
       
       Revenons maintenant rapidement à 
      la façon dont le comportement essentiel du système peut être
      compris. En nous limitant pour le moment au cas d'oscillations strictement
      périodiques dans le système, nous exprimons le débit u(t) par une série
      de Fourier :
      u(t) = Σuncos(nω0t + ψn)                           
                                          (35-5)
      
      Ici ω0 représente la fréquence du
      son produit. Terme par terme, cette série représente le spectre du flux
      d'excitation appliqué au système (PWW + IAC + anche).
      Étant donnée l'impédance (nette) Z(ω)
      de ce système, on note  Zn son amplitude à la fréquence
       nω0 et Φn sa
       phase. La pression correspondant à u(t) peut s'exprimer par :
       
      p(t) = ΣZnuncos(nω0t + ψn + Φn)                                                         
(35-6) 
      
      S'agissant de mathématiques formelles, les équations
      35-1, 
      35-5, et 35-6 peuvent être résolues simultanément pour
      donner le 
      spectre de pression à travers l'anche pour une pression de 
      souffle donnée. Tandis que les calculs détaillés
      sont très
      pénibles, il apparaît possible d'extraire beaucoup d'informations
      utiles sur le système. Cette information, qui peut être aisément
      vérifiée sur le comportement de  systèmes réels,
      dépend bien
      davantage de la structure mathématique globale du problème
      que des valeurs numériques des divers paramètres.
      C'est-à-dire que les caractéristiques marquantes de la solution
      peuvent être
      récapitulées très simplement sous une forme qui dépend
      seulement du
      comportement systématique des équations trigonométriques
      non-linéaires. En outre, quand on résout l'ensemble,
      on
      trouve (assez étonnamment) que les résultats ne montrent
      presque
      aucune sensibilité aux phases des impédances ni au facteur
      de
      résonance de l'anche (équation 35-2) ! Cela ne veut pas
      dire que les phases sont non pertinentes ou qu'elles ont des valeurs aléatoires
      - simplement que les amplitudes de spectre ne sont pas sensibles
      aux phases des Zn et des  Dn.
      
      
      Les équations 35-7 et 35-8 suffiront ici pour indiquer la nature
      du
      spectre  de pression de jeu  mesuré à travers l'anche.
      En
      particulier, le composant fondamental pl,  qui est l'amplitude
      de pression de la perturbation à la fréquence jouée, obéit
      à une      équation de la forme : 
      
      
                                                                 
(35-7) 
      
      De même, les composantes plus élevés ont des amplitudes
      qui peuvent
      tout être écrites sous la forme : 
      
      
                                                                  
(35-8) 
      
      Je  précise que dans ces équations il n'y a aucune manifestation
      explicite des déphasages liés aux paramètres de régulation
      de débit
      ou aux impédances. Seules les amplitudes sont importantes quand
      l'oscillation est de type périodique.
      
      Nous remettrons à plus tard la discussion de ces résultats
      jusqu'à
      ce que nous ayons esquissé la description d'un cousin linéaire
      de cette analyse, dans lequel nous pouvons voir ce qui arrive au nième composant
      de la pression considéré pour lui-même,
      le couplage non-linéaire indéniable entre les
      composants spectraux étant représenté par une source
      de flux Un qui est "externe" au composant en
      question. 
      
      III. UN COUSIN LINÉAIRE DU PROBLÈME
      
      
      Supposons que notre système oscille en régime stationnaire à la
      fréquence ω0,
      avec une partie  u(t) du flux produite par le terme linéaire Ap
      du polynôme
      de contrôle, et une partie U(t) imposée de l'extérieur
      par une source, jusqu'ici non spécifiée, de
      même périodicité.
      Si nous utilisons la représentation de Fourier, le flux
      imposé
      peut s'écrire : 
      
      U(t) = ΣUnejnω0t                    
                                                                (35.9)
      
      et le signal de pression à travers l'anche est : 
      
      p(t) = ΣZn[un +
      Un]ejnω0t
                         
                                            (35.10)
      
      L'équation 35-10 peut être résolue terme par terme
      pour les
      amplitudes des composantes du flux en termes d'impédances
      combinées Zn et de transconductances correspondantes
      An (évaluées
      aux fréquences ωn considérées)
      : 
      
      un = Anpn = ZnAn[un +
      Un]                                                                     
(35-11) 
      
      d'où : 
      
      un = Un[(ZnAn)/(1 - ZnAn)]                                    
                                 (35-12)
      
      Ici et dans la discussion qui suit avec l'équation 35-13, les symboles
      An et
      Zn ont leur représentation complexe habituelle, c'est à dire
      que l'on prend en compte à la fois l'amplitude et la phase.
      L'équation
      35-12 a la forme familière qui représente le gain en
      courant un/Un d'un amplificateur à rétroaction
      dont le gain en boucle ouverte est  ZnAn.
      On voit immédiatement, par conséquent, que chaque composant spectral du
      flux se comporte comme un oscillateur indépendant auto-entretenu
      si la partie réelle du gain en boucle
      ouverte est exactement l'unité. C'est à dire qu'il n'est pas nécessaire
      de recevoir un apport d'énergie externe par le signal excitateur
      Un pour
      maintenir l'oscillation.
      
      
      En revanche, si le gain en boucle ouverte ZnAn est
      inférieur à 1, l'amplitude du composant de flux un est
      proportionnelle à Un. De plus, l'amplitude de un va
      décroître exponentiellement  jusqu'à zéro si
      Un est
      subitement arrêté, avec un taux de décroissance proportionnel à la
      différence
      entre 1 et la partie réelle de  ZnAn.
      
      
      Si, d'autre part, le gain en boucle ouverte est supérieur à 1, une oscillation
      exponentiellement croissante peut se produire avec un taux de croissance
      qui est de nouveau proportionnel à la
      différence entre 1 et  la partie
      réelle du gain
      en boucle ouverte. Dans ces conditions le système de rétroaction
      peut (pour le
      composant en question) produire  plus d'énergie qu'il ne peut
      en dissiper, sans nécessiter d'apport additionnel via Un.
      
      
      Pour autant que notre présent modèle (trop simplifié)
       est concerné,
      nous
      pouvons résumer en disant que l'oscillation de chaque composant
      spectral est indépendante des autres, et qu'elle est par nature
      instable. Nous sommes évidemment bien habitués à cette
      sorte d'instabilité, qui est partagée par tous les oscillateurs
      ordinaires, et il est tout à fait usuel de rappeler la présence
      d'un amortissement additionnel (non-linéaire) dépendant de
      l'amplitude qui
      entre en jeu pour stabiliser l'amplitude d'un oscillateur réel.
      
      Dans l'oscillateur musical à plusieurs composants il y a, bien sûr,
      plusieurs sources d'amortissement
      en fonction de l'amplitude, en plus de  celles qu'impliquent Zu,
      Zd et Zr (l'amortissement par 
      turbulence, par exemple). Il y a, cependant, une autre manière dont
      de l'énergie peut être
      transférée dans et hors de chaque composant spectral, une
      manière
      qui assure non seulement la stabilité de chaque amplitude composante
      sous des conditions beaucoup moins rigoureuses sur le gain en
      boucle ouverte, mais garantit également  que les diverses
      amplitudes ont un rapport bien défini entre elles.
      C'est naturellement une condition absolue pour une source  de
      son musical dont le timbre doit être défini pour
      chaque façon de jouer choisie par son utilisateur. La nature
      fondamentalement non-linéaire du polynôme de commande défini
      dans
      l'équation 35-1 montre (en termes les plus simples) que quels que
      soient les composants pn du signal de pression pouvant être
      produits par l'intermédiaire du terme
      linéaire
      de ce
      polynôme, ils contribueront immédiatement à l'ensemble
      de composants du flux à toutes
      autres
      fréquences harmoniques selon l'arithmétique hétérodyne
      (intermodulation) qui peut être généralisée
      pour des exposants
      arbitraires selon  la relation trigonométrique      :
      
(McosP) (NcosQ) = (MN/2)[cos(P+Q) +
cos(P-Q)]                           
(35-13) 
      
      C'est-à-dire qu'on peut maintenant comprendre que les composants      "imposés extérieurement" Un de
      flux qui ont été présentés dans l'équation
      35-9 représentent d'une manière très
      simple
      (informatiquement inutile mais utile heuristiquement) le transfert d'énergie
      de chaque oscillateur modal vers ses
      frères. Il n'est plus nécessaire que chaque composant soit précisément
      auto-entretenu quand on le considère isolément
      ; tout ce qui est
      exigé est que en tant que groupe les composants spectraux puissent
      conjointement produire assez d'énergie pour fournir leur apport énergétique
      total au monde extérieur.
      
      Notre modèle quasi-linéaire nous montre encore un autre aspect
      de la nature du système non-linéaire réel : chaque
      composant
      spectral est relié directement ou indirectement à tous les
      autres, de
      sorte que sa phase est la résultante de nombreuses influences.
      La
      nature de l'oscillation est telle qu'il y a beaucoup de façons
      dont
      la phase réelle d'un composant donné peut être réconciliée
      avec
      celles de ses confrères. Une analyse appropriée prouve que,
      en conséquence, les amplitudes spectrales sont déterminées
      presque
      exclusivement par les valeurs des paramètres Z et  A,  B,
       C appropriés et pas par leurs angles de phase (Thompson 1978). 
       
       La discussion jusqu'ici dans ce paragraphe a montré que
      la production      énergétique
      est favorisée aux maxima du produit A(ω)Z(ω).
      Dans les instruments de la famille des bois, A est très proche de
      A0 sur
      la plus grande partie du spectre car la fréquence de résonance
      propre de l'anche ωr est relativement élevée
       (de l'ordre de  2000 à 3000 Hz pour une clarinette). Dans ces conditions,
      la production d'énergie est favorisée aux maxima d'impédance
      du système
       PWW-IAC-anche. Ceci
       indique (si on ignore provisoirement Zu et Zr)
       que l'oscillation est favorisée
       aux fréquences
       des modes normaux de la IAC prise avec son extrémité côté
       anche fermée,
       comme cela a été reconnu depuis au moins 200 ans
       ("la
       clarinette joue
       comme un tuyau fermé"). 
       
       Une autre implication de notre discussion est que la production énergétique
      globale est la plus grande si les maxima d'impédance
      sont en relation harmonique entre eux. Ceci assure que chacun des
      composants de fréquence hétérodyne produits par les
      harmoniques de la note jouée se trouve lui-même à un
      des maxima d'impédance qui produisent l'énergie et transfère
      de ce fait
      l'énergie à un endroit productif dans le processus de régénération.
      Exprimons ceci dans des termes plus proches de la musique
      comme on le faisait avant d'inclure explicitement
      les effets du PWW : un instrument de musique dont les maxima d'impédance
      (modifiés par
      l'impédance Zr parallèle mais grande) sont en
      relation harmonique est
      un instrument qui
      a une bonne attaque des sons, produit un son propre, fournit une
      dynamique contrôlable et des hauteurs de sons stables, et est en
      tous points des plus agréables entre les mains de l'instrumentiste
      et pour les oreilles de l'auditeur. J'ai présenté une discussion
      très étendue
      de ces questions dans les chapitres 20 à 22 de mon livre (Benade
      1976). La reconnaissance de l'utilité d'un "alignement"
      harmonique précis des résonances de la colonne d'air a mené
      (depuis les environs de 1964) à une évolution continue
      des techniques de
      laboratoire et de fabrication pour la mesure et  la correction
      des positions des résonances appartenant à pratiquement toutes
      les
      notes de la tessiture d'un instrument. Le comportement des instruments
      ajustés au moyen de ces techniques a été beaucoup
      admiré par des
      musiciens renommés, et les techniques elles-mêmes commencent à
      avoir un effet significatif sur la fabrication de tous
      les types d'instruments aujourd'hui (du
      moins ceux de qualité professionnelle)
      
      Nous avions temporairement mis de côté la possibilité que
      le
      produit  ZA puisse devenir grand au voisinage de la fréquence
      de l'anche ωr,
      de sorte que l'harmonique pour laquelle nω0≈ωr pourrait
      contribuer à la production nette d'énergie même si l'impédance Z elle-même
      n'est pas grande. Tandis que le livre contient de nombreuses remarques
      qualitatives au
      sujet de l'utilité musicale de cette possibilité pour les
      bois,
      la physique détaillée n'en a été élucidée
      que plus
      tard (Thompson 1979). Pour la présente étude il suffira de dire
      que tous les joueurs d'instruments à anches de haut niveau exploitent
      la possibilité d'une source d'énergie supplémentaire
      à la fréquence wr en
      plaçant
      cette fréquence d'anche à une certaine harmonique (n'importe
      laquelle !) de la fréquence jouée afin de  stabiliser
      et épurer
      encore plus leur  son en incluant un  participant supplémentaire exactement
      aligné dans le "régime
      d'oscillation." Pour les cuivres, l'instrumentiste doit faire
      attention à wr, puisque la
      note qu'il souhaite jouer est choisie directement en ajustant la fréquence
      naturelle de l'anche-lèvre pour la mettre juste en dessous du 
      fondamental du son désiré. Davantage de discussion de la
      dynamique curieuse des cuivres, avec leur valeur négative pour
      la transconductance d'anche A(w), nous emmènerait
      trop loin des buts de ce rapport. Il nous suffira de noter que la possibilité
      d'ajuster la fréquence
      de résonance
      de l'anche est une ressource musicalement importante pour le joueur d'instrument
      à anche et une nécessité inévitable
      pour le joueur de cuivres. Dans les deux cas nous
      constatons qu'un ajustement physiologique est employé comme une
      adjonction aux contrôles mécaniques exercés par les
      mains de l'instrumentiste sur les clefs, les pistons et les coulisses
      de son instrument.
      
      Nous terminerons cette partie de notre petite présentation
      du mécanisme
      de production du
      son (par
      nature non-linéaire et donc très stable) des instruments
      à vent orchestraux en précisant une fois
      de plus que notre compréhension de ce mécanisme a atteint un niveau très
      élaboré sans tenir aucun compte de la
      possibilité que la colonne d'air de l'instrumentiste puisse elle-même
      jouer
      un rôle significatif. Notre analyse actuelle a prouvé que
      Zu intervient dans
      les équations dynamiques d'une façon qui est entièrement
      symétrique de celle de Zd. Pour le scientifique, 
      ceci signifie qu'il n'a pas besoin de retoucher toutes ses équations
      quand il ajoute la
      prise en compte de Zu à son analyse de Zd et
      Zr : le symbole Z
      prend simplement une signification légèrement différente.
      Du point
      de vue du musicien cela signifie que l'instrumentiste a une
      ressource d'ajustement physiologique additionnelle à sa disposition
      (dont  nous  pouvons maintenant voir la nature dynamique d'une manière
      générale). Pour  nous tous, il reste pourtant la question
      de savoir pourquoi l'effet dynamique de cette ressource a pu demeurer
      scientifiquement ignorée pendant aussi longtemps,  question à
      laquelle une réponse partielle sera donnée ci-dessous.. 
      
      IV. IMPLICATIONS
      SPECTRALES
      
      Maintenant que nous avons esquissé la nature générale
      du
      processus de régénération non-linéaire à plusieurs
      composants 
       qui
      fonctionne dans les instruments à vent orchestraux, nous sommes
      en mesure d'examiner le spectre du signal de pression de
      commande p(t), donné dans les équations
      35-7 et 35-8 ci-dessus. Rappelons que dans ces équations  nous avons
      besoin seulement des amplitudes des paramètres Z, A, B,  et C !
      La première
      chose que nous
      notons est que les dénominateurs de ces équations sont presque
      exactement semblables au dénominateur de l'équation 35-12,
      de laquelle nous
      avons appris l'importance cruciale du produit ZnAn pour
      commander la quantité d'énergie
      qui peut être produite à la nième harmonique.
      Le seul aspect peu familier est la présence
      d'autres composants spectraux dont l'influence s'ajoute à l'effet
      direct du composant en question. Dans les équations 35-7 et 35-8
      ces
      pj supplémentaires sont les représentations explicites
      (dans une
      formulation pratiquement exacte) des contributions du "flux
      imposé" qui ont été présentées
      heuristiquement dans l'équation
      35-9. Hormis ceci, les dénominateurs ont presque exactement la même
      signification dans la formulation exacte que dans notre
      version d'introduction. Nous pouvons le voir  explicitement dans
      l'équation 35-7, qui fournit des informations sur le composant
      fondamental du spectre. Nous commençons en considérant la
      forme
      prise par cette équation dans la limite de basse amplitude, où les
      termes quadratiques et d'ordre supérieur
      dans le polynôme
      de flux
      (équation 35-1) n'ont aucun rôle à jouer. Dans ces
      conditions, le
      fait que p2 et d'autres composants d'ordre supérieur
      soient nuls signifie que s'il y doit y avoir une quelconque oscillation à la
      fréquence fondamentale, alors (1 - ZlA)
      doit disparaître,
      exactement
      comme nous en sommes arrivés à le prévoir.
      
      Nous allons maintenant  considérer
      le numérateur
      de l'équation 35-8. Il fournit un couple 
      de conclusions globales remarquablement simples (qui
      sont bien justifiés
      par l'expérience
      dans des conditions appropriées), comme nous pouvons le voir dans
      la version simplifiée notée équation
      35-14.
      
      pn = Znpln .
(autres termes à variation
lente)                                                  
(35-14) 
      
      La première de ces conclusions est que la forme générale
      du spectre de
      pression contrôlée par l'anche est bien représentée
      par l'enveloppe de l'impédance globale de contrôle, et la
      seconde est que l'amplitude du nième composant
      de pression est proportionnel à la nième puissance
       de l'amplitude du fondamental quand celle-ci varie avec la
      pression de souffle de l'instrumentiste. En d'autres termes, quand on
      joue un crescendo en gardant son masque et son PWW inchangés,
      l'oscillation "se développe" depuis une sinusoïde
      presque pure vers une forme
      d'onde dont les composants grandissent progressivement jusqu'à
       la distribution pleinement développée du mezzoforte qu'implique
       l'équation 35-8. Mais en jouant plus fort, l'anche se
       ferme complètement pendant une fraction croissante de
       chaque cycle, provoquant un type entièrement nouveau de développement
       spectral qui a son
      enveloppe déterminée par la durée de passage des bouffées
       d'air
      par l'anche. Par ailleurs il faut seulement noter 
      le parallélisme exact de  forme mathématique entre
      les dénominateurs
      des équations 35-7 et 35-8.
      
      Il est maintenant facile de décrire les
      deux spectres (qui peuvent être mesurés) de chaque côté de
      l'anche : c'est-à-dire le spectre mesuré dans l'embouchure
      de
      l'instrument (comme cela a été fait pendant de nombreuses
      années
      pour
      développer la théorie de base décrite ici)
      et le spectre
      mesuré dans la bouche de l'instrumentiste. Si nous notons  (pn)u et
      (pn)d ces deux composants du spectre de pression
      et rappelons que
      
      Zn = ((Zu + Zd)//Zr)n ,
      
      
      alors
      
      (pn)u = un(Zu)n = pn(Zu /Z)n                                                                 
(35-15a) 
      
      (pn)d = un(Zd)n =
      pn(Zd /Z)n                                                                 
(35-15b)   
      
      Si (comme on le sait depuis de nombreuses années), Zr est
      assez grand pour n'avoir qu'une faible influence sur l'amplitude de Z,
      et si (comme on l'a supposé pendant presque aussi longtemps) Zu est
      relativement petite et sans particularité, des équations
      comme 35-7 and 35-8 semblent s'appliquer directement au spectre dans l'embouchure,
      calculé en utilisant Zd qui
      est obtenu par des mesures sur la IAC. En fait des expériences
      de cette sorte ont été réalisées et ont fourni
      une fraction significative de la preuve qui jusqu'à aujourd'hui
      a justifié notre confiance en la théorie ainsi décrite.
      Notons de nouveau ce que nous devons au fait étonnant mais bénéfique
      que nous n'ayons pas eu conscience de l'influence du PWW jusqu'à ce
      que nous ayons      été prêts à le prendre en
      compte !
      
      Il est évident que des variations des amplitudes
      du spectre de pression dans l'embouchure devraient directement refléter
      des changements des pics d'impédance correspondants,
      comme on le voit par le numérateur de l'équation
      35-8 et le
      principal facteur dans l'équation 35-14. Il n'y a qu'un petit pas
      à franchir pour que nous invoquions la symétrie
      amont/aval du système comme justification de l'idée
      que
      des variations de Zu produites par des mouvements de langue
      et de bouche de l'instrumentiste produiront exactement des changements
      parallèles du spectre de pression mesuré dans sa bouche.
      Mais on ne voit pas immédiatement ce qui
      arrive au spectre d'un côté de l'anche quand l'impédance
      varie de l'autre côté.
      
      La différentiation de l'équation
      35-15a
      par rapport à Zu et de l'équation 35-15b par rapport
      à Zd nous donne  une représentation explicite
      des ces influences croisées. On obtient ainsi un résultat
      très étonnant :
      
      EN PREMIÈRE APPROXIMATION,  CHANGER Z D'UN CÔTÉ DE
      L'ANCHE NE PRODUIT AUCUN CHANGEMENT DU SPECTRE DE L'AUTRE CÔTÉ !
      
      En y regardant de plus près nous constatons qu'il y a en effet
      de petits
      changements, particulièrement si le composant spectral perturbé est
      l'un de ceux pour lesquels le produit  ZA est voisin de l'unité - si, en
      d'autres termes, il peut presque complètement équilibrer
      son propre
      budget d'énergie, et ainsi s'auto-entretenir sans fournir ni consommer
      l'énergie des  autres composants.
      
      Nous terminerons cette discussion de la formulation théorique
      globale
      du processus d'entretien des oscillations dans les instruments
      à vent par un court résumé des points principaux, laissant de côté des
      implications plus larges jusqu'après la présentation de quelques
      données
      expérimentales
      sur l'influence du PWW sur les régimes de jeu d'instruments réels.
      La première remarque qui doit être faite est que les impédances
      amont et aval apparaissent symétriquement dans la
      théorie. Le deuxième point est que tout ce qui concerne l'oscillation
      est directement déterminé par l'impédance combinée
      Z définie
      dans
      l'équation 35-4. Le troisième point est que si les maxima
      de Z sont en relation harmonique, l'oscillation est stabilisée,
      propre et  contrôlable, ce qui favorise une bonne exécution
      musicale. En quatrième point, alors que des variations
      de Zu et Zd changent le spectre  observable
      du côté où elles se produisent, il y a généralement
      peu ou pas de changement
      de l'autre côté de l'anche.
      
      Le point trois ci-dessus peut nous donner une
      explication analytique de la raison pour laquelle un instrumentiste peut
       trouver avantageux de moduler son PWW. De même, le point quatre
       nous donne un indice sur la raison pour laquelle ces effets
      n'ont pas été
      immédiatement discernables au cours des recherche ou mesures habituelles
       faites seulement en aval de l'anche !
       
       V. MESURE DE L'IMPÉDANCE DU CONDUIT RESPIRATOIRE DE L'INSTRUMENTISTE     
       
       
Comme
       on l'a déjà remarqué, une des
       raisons pour pour lesquelles
       bon nombre d'entre nous ont tenu pour acquis que le PWW avait
       peu d'effet sur le processus de base d'entretien de la vibration dans
       un instrument à vent était l'hypothèse que les conduits
       ramifiés et à parois molles des poumons du musicien fonctionnaient comme
       une terminaison pratiquement non-réfléchissante du conduit
       sub- et supraglottal. Nous avons été encore encouragés
       dans
       la croyance que la colonne d'air en amont était peu susceptible
       d'avoir un rôle important par le fait que la base des tuyaux et
       la boîte à vent d'un orgue à tuyaux ont une influence relativement faible
       (mais pas musicalement  négligeable !) sur le
       son et la stabilité des notes émises. Il y
       a vingt-cinq ans, ceci nous a donné une raison suffisante pour
       avancer hardiment, sur les conseils des écrits de Henri Bouasse
       (Bouasse, 1929-30), encouragés peu après par les premières
       mesures précises
       de la
       transconductance de régulation de débit de l'anche de clarinette
       (Ao) effectuée par John Backus (Backus 1963).
       
       Alors qu'on pouvait faire des mesures précises des impédances
      d'entrée
      de la IAC dès le début de 
      cette période active (voir des exemples de technique de mesure
      dans Benade 1973), les 
      techniques de balayage des fréquences alors disponibles, nécessairement
      lentes, ne pourraient être
      adaptées
      aux
      mesures sur le PWW qui est hautement variable. L'arrivée plus récente
      de
      procédures commodes par FFT a amené bon nombre d'entre nous à
      concevoir des méthodes d'excitation par impulsion de flux, où
      l'impédance est déduite de la transformée de Fourier
      du signal de
      réponse de pression. Le lectorat de cet article étant bien
      plus au courant que moi de l'historique de ce sujet, la présente
      liste de références
      a seulement pour but d'en citer quelques uns qui ont influencé très
      tôt
      mes idées sur ce type de méthode
      (Oliver 1964 ; Rosenberg et Gordon 1966 ; Fransson 1975 ; Dawson
      1976 ; Kruger 1980). Les autres paragraphes de ce chapitre seront
      consacrés d'abord à une indication de la nature de l'appareil
      que
      nous avons commencé à utiliser, puis à la présentation
      de l'impédance
      d'entrée du PWW (Zu) mesurée pour différentes
      configurations de
     tractus, et finalement à une description d'une partie de l'information
     que l'on peut en tirer.
      
      La tête de mesure d'impédance utilisée dans nos présentes
      expériences
      est du type représenté sur la figure
      35-3 (Ibisi et Benade 1982). La
      source primaire de son est un disque piézoélectrique de      "beeper" de
      27 mm de diamètre collé sur
      l'extrémité
      d'un court morceau  de  tube en plastique
      à parois épaisses de 20 mm de diamètre intérieur
      et 32 mm
      de diamètre extérieur,  par un joint en mastic de silicone.
      Le signal de pression est détecté par
      un
      microphone à électret dont l'ouverture de 3 mm
      débouche dans le
      tube à seulement 12 millimètres de la face interne du transducteur
      piézoélectrique. Si le transducteur piézoélectrique
      est considéré
      comme un oscillateur harmonique unimodal sans perte, alors un signal de
      tension en dent de scie à montée linéaire produira
      une impulsion simple de vélocité de la forme
      
v(t) = V[1 -
cos(2πt/T)]                                                                      
(35-16) 
      
      pour 0 < t < T (zéro ailleurs), pourvu que la durée
      T de montée en tension
      soit exactement égale à la période naturelle de vibration
      du transducteur. Seule une légère modification de la forme
      d'onde de la tension d'excitation est nécessaire pour assurer un
      signal d'excitation en vélocité très similaire
      quand on tient compte du fait que le transducteur est un oscillateur amorti
      (un rapport détaillé sur ce sujet, entre autres,
       est en préparation pour soumission au JASA*). Il suffit de
       dire que notre impulsion d'excitation a un FWHM 
       d'environ 0.083 milliseconde, de sorte que la mesure par FFT de Zu soit
       possible sans correction jusqu'à bien au delà de la limite
       de 2500 Hz
     de notre principal domaine d'étude.
     
     
     
 
	  
	          
      
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      | 
    
La
      moitié supérieure de la figure 35-12 montre
      le spectre du
      son (pn)d mesuré dans l'embouchure de notre
      IAC dans deux conditions expérimentales. La moitié inférieure
      de la figure montre
      les deux spectres correspondants (pn)u mesurés
      dans la bouche de l'instrumentiste. Les courbes en traits pleins dans les
      deux graphiques représentent les spectres mesurés dans la
      condition "normale" qu'aucune
      résonance
      du PWW n'est proche d'une résonance quelconque 
      de la IAC. Le
      spectre a l'embouchure dans ces conditions est exactement de la forme
      qui nous est devenue familière dans notre
      travail sur les instruments à vent depuis de nombreuses années.
      Sa forme est commandée
      par l'impédance de la IAC, comme on a l'habitude de le tenir pour
      acquis (voir l'équation 35-8). Nous reconnaissons, maintenant,
      que
      l'invisibilité relative du PWW vient généralement
      du fait que ses
      résonances ne se situent pas normalement dans les endroits qui
      provoquent les circonstances spéciales visées ci-dessus,
      mais non
      encore explicitées. La courbe en traits pleins dans la partie
      inférieure
      de
      la figure, qui montre la nature du spectre correspondant dans la
      bouche de l'instrumentiste, n'a aucun aspect particulier sur lequel nous
      devrions insister pour le moment.
Nous
      allons maintenant décrire les
      circonstances spéciales dans lesquelles le PWW peut faire sentir
      sa présence d'une manière manifeste. Considérons
      un système
      dynamique dans lequel la IAC est conçue pour donner un seul pic
      de résonance
      fort (dont on voit un exemple  dans
      la
      partie plus inférieure de la figure 35-13, où le pic
      est à une
      fréquence fa = 340 Hz). Si l'anche est alors commandée
      de son côté aval par une telle colonne d'air et de son
      côté
      amont par une certaine version du PWW, il n'y a aucun ensemble
      harmonique de pics de résonance qui peuvent coopérer pour
      installer un régime d'oscillation
      bien défini et le spectre harmonique
      correspondant. Si cependant l'instrumentiste explore les variations
      possibles de Zu(w), il lui est possible
      de trouver un ou plusieurs cas où le pic
      le plus haut de la résonance
      du PWW se
      trouve à une fréquence fb telle que la génération
      d'énergie à
      cette fréquence et à fa soit suffisante pour
      alimenter  tous
      leurs
      produits d'intermodulation, dont certains peuvent tomber sur un ou
      plusieurs des pics restants (répartis de façon inharmonique)  de
      résonance du PWW. La partie supérieure de la figure
      35-13 montre les spectres extrêmement compliqués dans l'embouchure
      et la bouche
       mesurés dans un tel cas   spécial, dont le son est connu
       des musiciens pour être du type complexe entrelacé qu'ils
      appellent habituellement "multiphonique." De
      l'énergie
      vibratoire est produite principalement  près de la fréquence
      du
      maximum d'impédance de la IAC et à un (ou peut-être
      plusieurs) des pics
      de résonance du PWW. En raison de la non-linéarité forte
      de l'anche, ces deux ou trois composants spectraux
      primaires ont engendré une foule de produits
      d'intermodulation. Nous avons réalisé de nombreuses versions de la
      configuration de la IAC et du PWW décrite ici, et nous pouvons toujours
      produire des sons multiphoniques exactement de la même manière.
      Dans tous
      les cas il a été possible d'analyser les spectres de la façon
      déjà établie pour le type analogue d'oscillation produit
      par une IAC
      dont les résonances sont inharmoniques (Benade 1976, chap.
      25).Traduit en mars 2004 par Joël Eymard pour le site web "Tout sur la trompette" avec l'autorisation de Virginia Benade