Original article in English
Comportement acoustique des lèvres du joueur de cuivres
Shigeru Yoshikawa
3-12-2-6304 Nagase, Yokosuka, 239 Japan
(Reçu le 2 mai 1994 ; révisé le 6 septembre 1994 ; admis le 3 novembre 1994)
Extrait du J. Acoust. Soc. Am. 97 (3), Mars 1995
© 1995 Acoustical Society of America
Le problème controversé de savoir si les mouvements de la
lèvre d'un joueur de cuivres sont mieux modélisés
comme vibrant vers l'extérieur ou comme vibrant verticalement
est abordé en mesurant la différence de phase entre la
pression dans l'embouchure et le déplacement de la lèvre.
Par analogie avec la phase de l'impédance d'entrée d'un
système résonant, la valeur négative (resp.
positive) de cette différence de phase suggère une
vibration vers l'extérieur (resp. verticale). Sur la base de
cette spéculation, les résultats expérimentaux ont
montré que : (1) un tube large excité avec les
lèvres entretient les deux modes extérieur et vertical en
raison de la flexibilité élevée de la lèvre
en l'absence d'embouchure ; (2) un système embouchure –
tube non résonant entretient presque la vibration vers
l'extérieur sur une large bande de fréquences ; (3) un
système embouchure – tube résonant entretient
totalement la vibration vers l'extérieur ; (4) le cor et la
trompette entretiennent une vibration vers l'extérieur pour
leurs résonances les plus basses et une vibration verticale pour
les résonances supérieures. Le changement de mode de
vibration des lèvres dans des cuivres, qui correspond bien au
changement de la forme d'onde de pression dans l'embouchure passant de
non sinusoïdale dans le grave, à plus sinusoïdale dans
l'aigu, dépend principalement de l'impédance acoustique
non-linéaire de l'ouverture des lèvres. Si son amplitude
est négligeable, le couplage de cavités entre la cuvette
d'embouchure et la bouche du joueur donne une impédance
d'entrée capacitive qui favorise la vibration vers
l'extérieur ; si sa grandeur est significative, le
découplage des cavités est susceptible de donner une
impédance d'entrée inductive qui favorise l'oscillation
verticale. Comme la pression de Bernoulli instantanée au niveau
de l'ouverture des lèvres et l'aire recevant cette pression
augmentent généralement avec la pression du souffle, la
vibration verticale des lèvres devient
prépondérante dans les résonances
supérieures des cuivres.
INTRODUCTION
Les lèvres d'un joueur de cuivres ont
été assimilées à une anche vibrant vers
l'extérieur parce que la pression du souffle ouvre les
lèvres. Ce concept d'anche vibrant vers l'extérieur a
été proposé initialement par Helmholtz 1 et formulé par Fletcher2. Pour soutenir cette théorie, Fletcher et autres3
ont utilisé une anche en métal amortie qui a
présenté ce type d'oscillation. Toutefois, il n'est pas
satisfaisant de tirer des conclusions précises sur le mouvement
bidimensionnel des lèvres d'un joueur4
à partir d'une expérience sur le mouvement
unidimensionnel d'une anche amortie en métal. Les joueurs de
cuivres peuvent changer la hauteur, le niveau et la forme d'onde d'une
note en ajustant leur configuration lèvres-embouchure. Le
modèle d'une anche amortie en métal ne permet pas de
représenter une telle flexibilité des lèvres.
Elliott et Bowsher5 ont également
essayé de confirmer le modèle d'anche vibrant vers
l'extérieur dans leur étude approfondie de l'entretien de
la vibration dans des cuivres. Mais une comparaison soigneuse entre la
hauteur mesurée (fig. 7 dans réf. 5) et celle
dérivée de l'impédance de l'instrument (fig. 9
dans réf. 5) ne corrobore pas le modèle de l'anche
vibrant exclusivement vers l'extérieur : la fréquence
jouée au trombone est plus haute que celle du pic
d'impédance pour les deuxièmes et troisième modes,
ce qui corrobore le modèle de l'anche vibrant vers
l'extérieur, alors que la fréquence jouée semble
être légèrement inférieure à celle du
pic d'impédance du septième au dixième mode, ce
qui le contredit. La fréquence jouée correspond au
maximum d'impédance pour les quatrième, cinquième
et sixième modes. En résumé, le modèle de
l'anche vibrant vers l'extérieur pour les cuivres n'est pas
encore vérifié expérimentalement.
Par ailleurs, une théorie alternative faisant l'hypothèse
que la lèvre supérieure du joueur de cuivre oscille
perpendiculairement au sens d'écoulement comme les cordes
vocales humaines, a été présentée par
Elliott et Bowsher5, Saneyoshi et autres6 et Yoshikawa7. Saneyoshi et autres 6
ont également mesuré les fréquences de
résonance des lèvres d'un joueur d'euphonium dans les
conditions de jeu réel par une méthode indirecte
"basée sur la mémoire" et ont obtenu des valeurs
au-dessus des fréquences de résonance nominales de
l'instrument. Ce résultat a semblé réfuter le
modèle d'anche vibrant vers l'extérieur qui devrait
donner des fréquences de vibration des lèvres plus basses
que les résonances de l'instrument. De plus, leur théorie
réussit à expliquer le résultat
expérimental sur le choix de la résonance dans
l'euphonium. Mais il faudrait d'autres preuves directes pour confirmer
leur théorie.
Plus tard Yoshikawa8 a mesuré
la différence de phase entre la vibration des lèvres et
la pression acoustique dans des tubes cylindrique excités par
les lèvres afin de trouver un indice sur le problème de
modélisation des lèvres. Il a appliqué une jauge
de contrainte minuscule pour détecter les vibrations de la
lèvre supérieure. Puisque la vitesse acoustique du volume
d'air qui excite le tube est en gros proportionnelle à
l'ouverture des lèvres, la différence de phase entre la
pression acoustique d'entrée et l'ouverture des lèvres
passera d'environ 90° au-dessous de la fréquence de
résonance à environ -90° au-dessus de celle-ci d'une
manière semblable à l'impédance acoustique
d'entrée. Cette différence de phase devrait être
négative si le modèle de l'anche vibrant vers
l'extérieur est valide. Il en est ainsi parce qu'une anche
vibrant vers l'extérieur s'ouvre plus tard et introduit un
surcroît d'écoulement acoustique dans le tube avant le
surcroît de pression acoustique d'entrée pour produire le
gain de puissance acoustique. Par conséquent l'anche vibrant
vers l'extérieur favorise une charge acoustique capacitive.
D'autre part, les modèles simples à une masse des cordes
vocales, dont la vibration propre est entretenue par la combinaison de
la pression différentielle négative de Bernoulli à
la glotte et de la réponse retardée du tractus,
favorisent une charge acoustique inductive 7,9,10
(des modèles plus complets des cordes vocales montrent un
mouvement parallèle aussi bien que perpendiculaire au sens
d'écoulement11, mais nous nous
concentrons sur le mouvement perpendiculaire des cordes vocales
comparé au mouvement parallèle de l'anche vibrant vers
l'extérieur). Une telle charge inductive devrait entraîner
une différence de phase positive entre la pression
d'entrée et l'ouverture des lèvres. On peut donc
considérer que cette différence de phase est la mesure
décisive requise pour juger si les cuivres utilisent
l'oscillation des lèvres vers l'extérieur ou
l'oscillation de type cordes vocales.
Une autre approche prometteuse pour régler le problème de
modélisation des lèvres est la simulation temporelle de
la génération du son dans les cuivres. Le modèle
de l'anche vibrant vers l'extérieur et le modèle des
cordes vocales seront introduits dans cette simulation sur la base
d'une connaissance approfondie de la méthodologie12-19,
de la réponse aux impulsions20 et de l'impédance d'entrée21-23.
La fréquence du son et la forme d'onde simulant la pression
acoustique dans l'embouchure feront clairement apparaître quel
est le modèle approprié et réaliste par rapport
à la littérature5,24. En fait, Strong et autres15,16
ont développé une simulation bidimensionnelle, dans
laquelle la lèvre du joueur est modélisée comme
une porte battante et coulissante ayant des degrés de
liberté en rotation et en translation qui pourraient
correspondre aux déplacements longitudinal et vertical des
lèvres. Ils ont obtenu des formes d'onde de pression
d'embouchure raisonnables et réalistes, bien que leur simulation
se soit limitée à la plus basse note Sib3 de la trompette. En outre, les modèles de cordes vocales à deux masses 5,25,26 pourraient être utiles si on savait trouver un critère pour diviser la lèvre en deux masses.
Récemment, Fletcher27 a
développé une théorie générale des
valves commandées par la pression dans le cadre d'un
modèle unidimensionnel et suggéré la
possibilité d'un modèle d'anche vibrant vers
l'extérieur et d'un modèle de corde vocale à une
masse dans des cuivres. Dans ces conditions, la vérification
expérimentale de la théorie et la simulation
mathématique sont devenues de plus en plus essentielles.
Cet article se concentre donc sur les comportements des lèvres
excitant les systèmes acoustiques suivants : (1) tube
résonant sans embouchure (section II A), (2) tube non
résonant avec une embouchure (section II B), (3) tube
résonant avec une embouchure (section II C), et (4) cuivres
réels (section II D). Bien que des investigations
préliminaires sur les premiers et deuxièmes
systèmes aient été déjà
présentées8,28,29,
les résultats principaux sont inclus dans cet article dans un
contexte complet. L'examen comparatif de ces quatre systèmes
(section III) apportera une conclusion définitive (section IV)
sur le comportement acoustique des lèvres du joueur de cuivres.
On en tirera en outre une compréhension plus profonde du
rôle acoustique de l'embouchure. Avant de décrire les
résultats expérimentaux, on expliquera d'abord une
méthode pour mesurer la différence de phase.
I.
MÉTHODE EXPÉRIMENTALE
A.
Système de mesure de différence de phase
Figure 1. Systèmes de mesure et d'étalonnage des
différences de phase : (a) microphone de mesure et jauge de
contrainte pour détecter la pression dans l'embouchure et la
contrainte de la lèvre, respectivement, (b) installation
d'étalonnage pour fournir une référence de la
différence de phase de 180° entre la pression et les signaux
de contrainte, et (c) canaux dynamiques de pression et de contrainte
pour la mesure de différence de phase.
|
Un système pour mesurer la différence de phase entre
la pression acoustique dans une embouchure et le déplacement
vibratoire de la lèvre supérieure est esquissé
à la fig. 1(a) et (c). Une jauge de contrainte (type
B-FAE-05W-12 de Shinkoh) a été étroitement
fixée à la lèvre supérieure par un morceau
de ruban adhésif double face (Nichiban, Celtack CW-18). Cette
jauge est très petite (0,5 millimètre de long et 1,2
millimètre de large) et n'a pas entravé la
flexibilité de la lèvre même pour jouer du cor et
de la trompette. La jauge, traitée comme une résistance
électrique, est reliée par un conducteur court à
un circuit en pont (modèle Kyowa DB-120P) qui est
équilibré quand aucune contrainte n'est appliquée.
La contrainte appliquée est lue comme une tension
électrique, qui apparaît comme un écart par rapport
à l'équilibre. Ce signal est amplifié par un
amplificateur dynamique de contrainte (modèle Kyowa DMP-611,
avec un filtrage passe-bas appliqué à 1 kHz) et par un
amplificateur additionnel (modèle 451 d'Ithaco). Le signal
amplifié est envoyé à un enregistreur
numérique de forme d'onde sur 12 bits (modèle 5183 de
Hewlett-Packard).
La pression acoustique dans une embouchure (ou à l'entrée
d'un tube sans embouchure) est prise par un microphone de mesure (type
4182 de Brüel et de Kjaer), qui est relié à un
amplificateur (type 2609 de B&K). La sonde du microphone a une
longueur de 25 mm et un diamètre interne de 1,24
millimètre. Le signal amplifié est alors envoyé
à un autre canal de l'enregistreur de forme d'onde ci-dessus.
Finalement, la pression et les signaux de contrainte, qui sont
simultanément mesurés, sont transformés en
spectres de phase dans le domaine des fréquences. La
différence de phase Lp – Lε est obtenue en soustrayant le spectre de phase de la contrainte dynamique Lε de celui de la pression acoustique Lp et en lisant la valeur à la fréquence jouée.
Avant de mesurer les différences de phase dans les quatre
systèmes acoustiques mentionnés dans l'introduction, on a
brièvement examiné l'applicabilité de la technique
de détection de contraintes pour la vibration des lèvres.
Les lèvres sont mises en vibration (c'est le "buzzing") quand de
l'air est soufflé entre les lèvres initialement
fermées. L'auteur a mesuré avec une jauge de contrainte
une telle vibration auto-entretenue de ses lèvres et a obtenu le
résultat suivant : les vibrations stables des lèvres
avaient une fréquence fondamentale comprise entre 25 et 48 Hz
avec une structure harmonique très riche atteignant
jusqu'à la 17ème-21ème
harmonique, où le niveau du signal se confondait presque au
niveau du bruit. La gamme dynamique de notre système de mesure
de contrainte a été alors estimée à plus de
40 dB quand le filtrage passe-bas a été appliquée
à 1 kHz. Ce résultat a prouvé l'efficacité
de la détection de contrainte pour mesurer la vibration des
lèvres d'un joueur de cuivres.
B.
Méthode d'étalonnage des différences de phase
Le calibrage pour déterminer la différence de phase entre
pression et contrainte montré sur la fig. l(c) a
été effectué en utilisant l'installation
présentée à la fig.1(b). Un tel calibrage est
nécessaire pour définir la différence de phase
nulle. La même jauge de contrainte qu'utilisée pour la
détection des mouvements des lèvres à la fig. 1(a)
a été fixée au centre d'un petit haut-parleur en
forme de dôme (modèle Phillips 544) de la manière
décrite à la section I A. La pression acoustique a
été mesurée juste devant ce diaphragme en
utilisant le même microphone de mesure montré sur la
fig.1(a).
L'étalonnage est fondé sur l'hypothèse que la
contrainte du diaphragme et la pression résultante à
proximité doivent être en opposition de phase. Puisque le
diaphragme peut être considéré comme une source
simple (monopôle) dans la gamme des basses fréquences qui
nous intéresse, la pression à proximité p(r) est proportionnelle à l'accélération radiale30 et peut être reliée au déplacement radial ξ d'une source monopolaire selon l'équation :
p(r) / ξ = –ω2ρS / 4πr,
où r est la distance de la source, S la surface de la source, ω est la pulsation et ρ
la densité de l'air. On peut raisonnablement supposer aussi
qu'aux basses fréquences, où le mouvement du diaphragme
est entièrement en phase, la contrainte interne est
proportionnelle au déplacement radial. Ces hypothèses
permettent de conjecturer que la contrainte du diaphragme et la
pression résultante à proximité sont en opposition
de phase.
Il en résulte que le montage présenté à la
fig.1(b) établit une référence de la
différence de phase 180° entre les signaux de pression et de
contrainte. La différence de phase Φ entre les deux canaux de la fig. 1(c) est ainsi estimée comme :
Φ = (Lp – Lε)CAL – 180°, (1)
où (Lp – Lε)
indique la différence de phase mesurée par la
méthode de calibrage ci-dessus basée sur les fig. l(b) et
(c).
C.
Relation entre la contrainte et le déplacement de la lèvre supérieure
Nous devons déterminer la relation entre la contrainte et le
déplacement de la lèvre supérieure parce que nous
avons besoin de la différence de phase calibrée entre la
pression d'embouchure et le déplacement de la lèvre. Il
faudrait étudier la mécanique des tissus musculaires
comme l'ont développée Titze et Talkin11
pour différentes configurations des cordes vocales pour obtenir
une relation quantitative entre contrainte et déplacement pour
différentes configurations de lèvre. C'est toutefois un
problème à traiter dans le futur. Pour le moment il nous
suffit d'avoir la relation de phase quand l'instrument joue.
Supposons que la lèvre supérieure se compose d'une masse
et d'un ressort dont l'extrémité supérieure est
fixe à une position correspondant au bord de l'embouchure. Ce
ressort de lèvre est comprimé et étiré ; la
masse de lèvre subit une force de rappel quand la lèvre
est écartée de sa position d'équilibre. Quand le
ressort est comprimé, les lèvres tendent à
s'ouvrir avec un déplacement positif de la lèvre
supérieure (vers le haut ou vers l'extérieur). Le ressort
ainsi comprimé provoque une contrainte négative sur le
bord de la lèvre. Quand le ressort est étiré, les
lèvres tendent à se fermer avec un déplacement
négatif de la lèvre supérieure. Le ressort ainsi
étiré provoque une contrainte positive sur le bord de la
lèvre. En conséquence, nous pouvons en déduire que
la contrainte et le déplacement de la lèvre
supérieure sont en opposition de phase. En outre, si on
considère le buzzing, on peut comprendre que la lèvre
inférieure favorise cette relation d'opposition de phase. Quand
la lèvre supérieure heurte la lèvre
inférieure, l'impulsion de pression fournie par la lèvre
inférieure donne à la lèvre supérieure un
effort négatif et un déplacement positif pour rouvrir les
lèvres juste après la collision. Puisqu'un effort
négatif sur le bord de la lèvre donne une contrainte
négative, la relation d'opposition de phase mentionnée
ci-dessus est renforcée. Quand la lèvre supérieure
s'écarte de la lèvre inférieure, la dynamique des
lèvre est commandée par la force de rappel interne. La
relation d'opposition de phase est toujours une hypothèse qui
nécessite d'autres éclaircissements.
Par conséquent nous avons la relation suivante
:
(Lp – Lξ)MEAS = (Lp – Lε)MEAS – 180°, (2)
où ξ et ε sont respectivement le déplacement et la contrainte de la lèvre. En outre, ( )MEAS
désigne la valeur obtenue par le système de mesure
présenté aux fig. l(a) et (c). La différence de
phase vraie est ainsi dérivée des équations (1) et
(2) comme suit :
Lp – Lξ = (Lp – Lξ)MEAS – Φ = (Lp – Lε)MEAS – (Lp – Lε)CAL (3)
Les valeurs (Lp – Lε)CAL
définissent une courbe de "différence de phase nulle",
dont des exemples seront montrés dans la section I D.
Notre méthode de détection des contraintes dans le
comportement des lèvres nécessite quelques commentaires.
Selon Martin4,
les mouvements ascendants et extérieurs de la lèvre
supérieure sont presque en phase et forment une ouverture.
D'ailleurs, l'aire d'ouverture de lèvre est approximativement
proportionnelle à l'écartement central qui est
principalement du au mouvement ascendant de la lèvre
supérieure. Par conséquent nous pouvons considérer
que le mouvement ascendant est plus significatif que le mouvement vers
l'extérieur. Cela ressort également de la comparaison
entre les figures 4 et 5 dans la réf. 4. En fait, on obtenait un
signal de sortie plus important de la jauge de contrainte quand elle
était fixée dans une position plus intérieure de
la lèvre supérieure. Mais la jauge avait tendance
à sortir en raison de l'humidité dans la bouche et de la
circulation d'air le long de la surface de la lèvre. Aussi la
jauge a été fixée à une position
appropriée, pas trop profondément, pas trop
extérieure, de sorte qu'elle puisse durer au moins quelques
heures pour l'expérience. Fixée à une position
appropriée, la jauge était bien visible dans un miroir en
prenant la configuration d'embouchure pour jouer des instruments. Par
conséquent la jauge de contrainte peut détecter le
mouvement vers l'extérieur comme le mouvement ascendant, bien
que le rapport des sensibilités à ces mouvements ne soit
pas connu. En outre, la lèvre supérieure est
considérée comme le principal vibrateur4,31,32, en particulier aux fréquences les plus élevées.
Figure 2. Différence de phase entre la pression acoustique et la contrainte dynamique dans le système d'étalonnage des fig. l(b) et (c). L'axe des ordonnées de gauche et des abscisses du haut (de 100 à 450 Hz) se rapportent aux jauges Bl et B2. L'axe des ordonnées de droite et des abscisses du bas (de 280 à 315 Hz) se rapportent à la jauge A. |
Figure 3. Différence de phase (Lp – Lε)MEAS dans des tubes excités sans embouchure : (a) tube 1, avec la jauge A, (b) tube 3, avec la jauge B2. Symbole • : lèvre supérieure relativement mince étirée en longueur, o : lèvre supérieure relativement détendue et rentrant dans le tube. |
Figure 4. Ensembles tube non résonant – embouchure et tube résonants – embouchure, (a) embouchure de cor (Lawson S660), (b) tube non résonant d'entraînement, (c) jauge de contrainte, (d) circuit en pont, (e) microphone de mesure, (f) embouchure de trompette (Bach 5C), (g) tube résonant Rl, et (h) tube résonant R2. Figure 5. Différence de phase entre la pression acoustique p dans l'embouchure et la contrainte ε de la lèvre quand on émet un son avec un système embouchure – tube non résonant (voir la fig. 4). o : Données mesurées pour un tube bouché à l'extrémité. •: Données mesurées pour un tube non bouché. La jauge B1 a été utilisée pour la détection de contrainte. Figure 6. Différence de phase mesurée entre la pression acoustique p dans l'embouchure et la contrainteε de la lèvre du joueur avec les systèmes acoustiques suivants : o, système embouchure de trompette – tube résonant Rl, •, système embouchure de cor – tube résonant R1, et D, système embouchure de cor – tube résonant R2. La jauge B2 a été utilisée pour la détection de contrainte. |
Comme les résultats expérimentaux du système
embouchure – tube non résonant semblent montrer seulement
un comportement des lèvres qui "buzzent" sans rétroaction
acoustique significative, il faut faire des expériences
additionnelles sur un système embouchure – tube
résonant.
On a pris deux types de tube en laiton (voir fig. 4) : le tube Rl
était de 350 mm de long avec un diamètre intérieur
de 7mm sauf du côté d'un récepteur d'embouchure de
15 mm avec un diamètre intérieur de 7,8 mm ; le tube R2
est de 300 mm de long avec un diamètre intérieur de 21 mm
sauf du côté d'un récepteur d'embouchure de 41 mm
dans lequel la géométrie intérieure passe de
cylindrique (15 mm de long et 7,8 mm de diamètre
intérieur) à conique tronqué (26 mm de long). Ces
tubes sont bien adaptés à une embouchure de cor. Comme
l'embouchure de trompette a une queue plus grosse que celle de cor, un
raccord approprié est inséré entre l'embouchure de
trompette et le tube.
Les résultats expérimentaux présentés fig.
6 indiquent que les trois couples (embouchure de trompette – tube
R1, embouchure de cor – tube R1 et embouchure de cor – tube
R2) montrent des différences de phase négatives Lp – Lξ
allant d'environ –20° à environ –70°. Ceci
suggère que le modèle de lèvre vibrant vers
l'extérieur est valable même dans les systèmes
embouchure – tubes résonants. De plus, comme décrit
dans la section III B, la fréquence de résonance
calculée du système embouchure – tube
résonant est clairement inférieure à la
fréquence jouée comme le montre la fig 6. Cette relation
de fréquence confirme la fiabilité de la relation de
phase de la fig. 6 et la prédominance du modèle de
lèvre vibrant vers l'extérieur. Cependant, il convient de
noter que ce résultat expérimental est limité
seulement au mode fondamental parce que l'excitation des
résonances plus élevés était trop difficile.
En outre, il faut noter que les systèmes embouchure –
tubes résonants ont une bande de fréquence de
résonance beaucoup plus large que les tubes excités par
les lèvres sans embouchure. La largeur de bande de
résonance des uns est de 30-40 Hz comme on le voit fig. 6, alors
que celle de ces derniers est d'environ 10 Hz comme le montre la fig.
3. Une largeur de bande de résonance aussi large est
probablement due au couplage entre les cavités de la cuvette
d'embouchure et de la bouche du joueur. Ce couplage peut se produire
parce que la résistance et l'inductance de l'ouverture de
lèvre sont négligeables dans l'excitation du premier mode
à fréquence basse5,24. Voir la section III B pour des discussions plus détaillées.
D.
Trompette et cor
La figure 7 montre les résultats expérimentaux d'une
trompette (modèle d'étude Yamaha 2320E avec embouchure
Bach 5C) et d'un cor (Alexander 103 avec une embouchure Lawson S660).
La trompette a été jouée par l'auteur qui n'avait
aucune expérience de cet instrument avant cette séance,
pendant laquelle il a essayé plusieurs embouchures
différentes. Il n'a pas pu jouer une note plus haute que la
cinquième résonance. En outre, il lui était
difficile de contrôler le volume, aussi les données
repérées par le symbole ♦ dans la fig. 7
correspondent à une émission voisine de mf.
En revanche, le cor a été joué par un musicien
semi-professionnel ayant plus de dix ans d'expérience dans des
orchestres symphoniques. Aucune consigne particulière sur la
manière de jouer ne lui a été donnée pour
l'expérience, aussi il a joué de son instrument
naturellement après quelques minutes pour s'habituer à
une lèvre supérieure équipée d'une jauge de
contrainte. Pendant l'expérience, on lui a donné des
consignes de volume sonore. Les données repérées
par le symbole o indiquent un volume au-dessous du mp;
celles repérées par le symbole • un volume au-dessus du mf.
D'après la fig. 7, la différence de phase Lp – Lξ
entre la pression dans l'embouchure et le déplacement de la
lèvre devient positive excepté pour la deuxième
résonance. En outre, excepté la 11ème
résonance du cor, cette différence de phase augmente
quand on excite les résonances supérieures. Le volume
sonore affecte la différence de phase pour le cor. Bien que des
sons plus forts de la même résonance semblent donner de
plus grandes valeurs absolues de la différence de phase, les 5ème et 11ème
résonances vont à l'encontre cette tendance. Des
résultats de la fig. 7, nous pouvons qualitativement conclure ce
qui suit : le modèle de lèvre vibrant vers
l'extérieur est applicable à la deuxième
résonance inférieure ; le modèle vertical
prédomine dans les résonances supérieures.
III. DISCUSSION
A. Formes d'onde de pression dans l'embouchure et de contrainte de lèvre
Figure 7. Différence de phase mesurée entre la pression acoustique dans l'embouchure p et la contrainte de la lèvre du joueur ε dans la trompette et le cor. La jauge B2 a été utilisée pour la détection de contrainte. |
Figure 8. Formes d'onde de pression d'embouchure et de contrainte de lèvre mesurées pour les notes Fa2, Sol3, Fa3, et La3 jouées mf au cor. |
Figure 9. Circuit électrique équivalent : (a) circuit équivalent aux cuivres, (b) circuit simplifié pour les cuivres dans le registre grave et pour les systèmes embouchure – tube résonants, où on postule le couplage entre la cuvette d'embouchure et la bouche du joueur. |
TABLEAU I. Dimensions des systèmes embouchure – tube résonant
Cor
embouchure – tube résonant R1 |
Trompette
embouchure – tube résonant R1 |
||
Longueur acoustique du tube | l (mm) |
346
|
370
|
Rayon du tube | a (mm) |
3.5
|
3.5
|
Longueur de la queue d'embouchure | lM (mm) |
40
|
74
|
Rayon de la queue d'embouchure | aM (mm) |
3.1
|
4.2
|
Volume de la cuvette d'embouchure | VM (cm3) |
2.9
|
1.5
|
Figure 10. Fréquence de résonance fres des systèmes embouchure – tube résonant en fonction du volume V de cavité dû au couplage entre la cuvette d'embouchure et la bouche du joueur. •: Embouchure de cor et tube résonant Rll. ♦: Embouchure de trompette et tube résonant Rl . La courbe en trait plein indique les valeurs possibles du volume de cavité dans des conditions de jeu . |
Le comportement acoustique des lèvres du joueur de cuivre a
été étudié expérimentalement sur
quatre types de systèmes acoustiques : tubes excités par
les lèvres sans embouchure, tube non résonant avec une
embouchure, tubes résonants avec une embouchure, et vrais
cuivres. La question principale était de savoir si les
lèvres du joueur vibrent vers l'extérieur ou
verticalement. On a mesuré la contrainte de la lèvre
supérieure vibrante au lieu de la vitesse de déplacement
de l'air près des lèvres en raison du caractère
pratique et de la facilité de la détection de la
contrainte tout en jouant de l'instrument. La différence de
phase entre la pression dans l'embouchure et le déplacement de
la lèvre a été dérivée de la
différence de phase entre contrainte et pression et a
été étalonnée à partir de la
pression à proximité d'un diaphragme convexe vibrant sur
lequel était fixée une jauge de contrainte. Postulant que
cette différence de phase change de la même façon
que celle de l'impédance d'entrée autour des
résonances propres du système, une valeur négative
(resp. positive) de cette différence de phase suggère une
vibration vers l'extérieur (resp. verticale) des lèvres.
Les résultats expérimentaux ont montré que :
(1) les tubes larges excités par les lèvres peuvent
entretenir les deux modes vibratoires, vers l'extérieur ou
vertical, en raison de la capacité des lèvres à
adopter facilement des configurations différentes. Mais un tube
étroit ne peut entretenir que la vibration vers
l'extérieur, et difficilement.
(2) les systèmes embouchure – tube non résonant
peuvent presque entretenir la vibration vers l'extérieur sur une
grand plage de fréquences. Le "buzzing" des lèvres
correspond à ce système acoustique.
(3) les systèmes embouchure – tube résonant peuvent
entretenir totalement la vibration vers l'extérieur. Ces
systèmes ont une bande de fréquences de résonance
beaucoup plus large que les tubes excités sans embouchure.
(4) le cor utilise la vibration vers l'extérieur pour la note la
plus grave (deuxième résonance) et la vibration verticale
pour les résonances supérieures. Dans la trompette les
deuxième et quatrième résonances entretiennent
respectivement la vibration vers l'extérieur et verticale, et
les deux sont mélangées pour la troisième
résonance.
La fréquence de résonance de l'instrument a
été calculée et comparée à la
fréquence jouée pour confirmer les résultats (1)
et (3) ci-dessus. Ce résultat, qui indique que la vibration des
lèvres vers l'extérieur (resp. verticale) se produit
à une fréquence supérieure (resp.
inférieure) à la résonance du tube, a
démontré la fiabilité de la méthode de
mesure des différences de phase. D'ailleurs, l'hypothèse
du couplage des cavités embouchure / bouche du joueur dans le
grave explique de façon plausible la largeur de bande de
résonance mentionnée en (3). Cette hypothèse est
justifiée par l'importance négligeable de
l'impédance de l'ouverture des lèvres comparée
à l'impédance d'entrée du tube5,24.
On a constaté une forte corrélation entre le
régime d'oscillation et la forme d'onde dans le cor et la
trompette : la pression dans l'embouchure dans le grave, en particulier
à la deuxième résonance, est
particulièrement non-sinusoïdale et entretenue par la
vibration des lèvres vers l'extérieur ; dans l'aigu elle
est plus sinusoïdale et entretenue par la vibration verticale des
lèvres. Nous pensons que le changement de régime
vibratoire et de forme d'onde dépendent de l'importance de
l'impédance de l'ouverture des lèvres. Si cette
impédance est négligeable en comparaison de
l'impédance d'entrée de l'instrument vue de la bouche du
joueur, le couplage de cavité entre la bouche du joueur et la
cuvette d'embouchure se produira et donnera une impédance
d'entrée capacitive qui favorise la vibration vers
l'extérieur. Cette situation est très semblable au point
(3) ci-dessus.
En revanche, quand l'impédance de l'ouverture des lèvres
arrive au même ordre de grandeur que l'impédance
d'entrée en augmentant la pression de souffle, le
découplage des cavités aura comme conséquence une
impédance d'entrée inductive qui favorise la vibration
verticale. Comme la pression instantanée de Bernoulli à
l'ouverture de lèvre et la surface de lèvre recevant
cette pression augmentent avec la pression du souffle, la vibration
verticale des lèvres tend à être
prédominante pour les résonances supérieures des
cuivres. La différence de phase entre pression et
déplacement de la lèvre approche 90° quand on choisit
une résonance au-dessus de la huitième. Ce
résultat expérimental suggère que les
lèvres du joueur de cuivre vibrent exactement comme
prédit par le modèle à une masse des cordes
vocales pour de telles résonances élevées.
Le présent article clarifie des aspects fondamentaux de la
fonction des lèvres d'un joueur de cuivre. A partir de ces
résultats, remarquons qu'il est essentiel pour les joueurs de
cuivre de travailler non pas le "buzzing" mais la flexibilité
des lèvres pour améliorer la précision du choix de
résonance. Ainsi, inutile d'avoir un tube non résonant
pour la pratique du "buzzing" parce qu'un tube non résonant
entretient la vibration vers l'extérieur qui ne peut pas
produire les notes aiguës des cuivres. Pour une analyse plus
détaillée de l'émission du son dans les cuivres,
il faudra analyser plus précisément le couplage et le
découplage entre la bouche du joueur et l'embouchure via
l'ouverture de lèvre, en particulier du point de vue de la
dynamique des fluides..
REMERCIEMENTS
L'auteur remercie le professeur George R. Plitnik de
l'université d'Etat de Frostburg d'avoir suggéré
l'expérience sur un tube non résonant et de son aide pour
l'expérience sur la trompette. L'auteur exprime également
ses remerciements à Hiroyuki Ohtsuki des Laboratoires de
Recherche sur le Traitement de l'Information Humaine ATR qui a
joué le cor et au Dr. Seiji Adachi d'ATR pour son aide dans
l'expérience avec le cor et pour ses commentaires sur le
manuscrit. L'auteur est reconnaissant au Dr. James B. Cole du
Laboratoire de Recherches Navales des États-Unis (temporairement
à l'Institut de Recherche en Communication Electrique de
l'université de Tohoku, Japon) pour sa révision soigneuse
de l'expression anglaise. L'auteur remercie également le
professeur Thoru Idogawa de l'Institut de Technologie de Saitama et le
professeur Keinosuke Nagai de l'Université de Tsukuba pour leur
soutien permanent de ces expériences. En conclusion, l'auteur
voudrait exprimer sa reconnaissance aux réviseurs anonymes, qui
ont apporté chacun des commentaires appropriés et des
suggestions valables .
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32R. D. Weast, "A stroboscopic analysis of lip function," The Instrumentalist 23, 44-46 (1963).
33Les termes techniques comme le
modèle d'anche vibrant vers l'extérieur et le
modèle à une masse des cordes vocales ont
été abandonnées à ce stade parce qu'on
parle maintenant de modélisation des lèvres. L'anche est
remplacée par la lèvre, la corde vocale à une
masse par la vibration verticale à une masse.
34K. Wogram, "A contribution to the
measurement of the intonation of brass instruments," Ph.D. thesis,
Technische Universitat Carolo-Wilhelmina, Braunschweig, 1972.
35L. L. Beranek, "Acoustic properties of gases," A merican Institute of Physics Handbook (McGraw-Hill, New York, 1963), 2nd ed.
36Comme Fletcher27
l'a justement remarqué, le concept d'anche vibrant vers
l'intérieur semble être physiquement inapplicable aux
cuivres. Dans la réf. 6, on a considéré
hâtivement qu'une anche qui ne vibre pas vers l'extérieur
vibre vers l'intérieur parce que la pression instantanée
de Bernoulli dans le modèle des cordes vocales est
approximée par la pression acoustique dans l'embouchure.
Cependant, comme le montre la fig. 2 de la réf. 6, le
modèle physique adopté dans la réf. 6 est
essentiellement un modèle perpendiculaire semblable à
celui montré à la fig. l (c) de la réf. 27, qui
représente le mouvement des lèvres perpendiculaire
à l'écoulement de l'air. Dans ce contexte, les concepts
d'anche vibrant vers l'extérieur ou vers l'intérieur
devraient être classés dans la catégorie des
modèles parallèles, où l'anche vibre
parallèlement au sens d'écoulement .
37A. Hirschberg, R. W. A. van der
Laar, J. P. Marrou- Maurieres, A. P. J. Wijsnands, H. J. Dane, S. J.
Kruijswijk, and A. J. M. Houtsma, "A quasi-stationary model of air flow
in the reed channel of single-reed woodwind instruments," Acustica 70,
146-154 (1990).
Traduit de l'anglais par Joël Eymard pour le site web "Tout
sur la trompette" (http://la.trompette.free.fr) avec l'autorisation de
l'auteur.