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A tous vents...
Robert Pichaureau, maître et docteur
François Gaston, élève et patient

Enregistré et transcrit par Philippe Maillard, élève et patient
Gratens, le 10 mai 1997

Introduction
Robert Pichaureau enseignait dans un discours imagé, très riche en expressions marquantes. On avait décidé ensemble, pour réussir à en conserver une trace écrite fidèle à son enseignement, de transcrire "telle quelle" une leçon type illustrant les différents sujets de son discours. François Gaston a accepté au pied levé d’être l’élève type pour sa première leçon. J’ai souhaité conserver le langage parlé de Robert Pichaureau sans corriger les redites ou imprécisions qui apparaissent par-ci par-là, on peut ainsi encore mieux apprécier le sel de ce merveilleux moment de vie qu’est la leçon de trompette de Robert Pichaureau.
Avant d’être distribué à tous les amis trompettistes et devenir un remède en cas de besoin, le texte définitif attendait d’être complété par les images et dessins très vivants (le gorille Maurice ou le regard vide de Charlie Parker par exemple) utilisés par Robert Pichaureau pour mieux nous aider.
Peut-être dans une future version remaniée ?
Il faut se lancer..... On y retrouvera toute sa générosité et un arrière goût de trop peu, le goût de l’immense chaleur humaine de ses leçons.

Il faisait un temps splendide ce jour-là, on voyait très bien les Pyrénées.......
Philippe
11 Février 1999
On trouvera en italique soit les commentaires de Robert lui-même, soit des commentaires destinés à éclaircir la situation.

Attention, ça démarre !

On va commencer par s’allonger, et puis tu vas enregistrer de façon à ce que ça soit clair, parce que là, ce n’est pas clair -
référence à l’article de 1978 pour l’école de musique de Lons Le Saulnier - là, j’ai tourné autour, c’est bon, mais c’est trop compliqué ! Il ne faut pas que ça soit compliqué.
Allez, François ! De toute façon, ça lui fera du bien ! Allongez vous sur le dos.

On va parler de respiration.
Maintenant, on se regarde respirer,
alors,
à l’inspiration : l’abdomen se gonfle.
Mettez la main sur l’abdomen.
Voilà,
Donc à l’inspiration : l’abdomen se gonfle.
A l’expiration : il se dégonfle.
Ce qui veut dire que vous ne savez pas du tout si vous prenez de l’air de l’extérieur, vous ne vous en rendez pas compte.
Quand, par exemple, vous expirez, vous ne vous rendez pas compte que vous renvoyez votre souffle vers l’extérieur.
C’est quelque chose de continu : inspiration - expiration,
Vous ne pouvez pas me dire à quel moment l’inspiration se transforme en expiration, si vous pouvez me le dire c’est que vous vous arrêtez.
Il ne faut pas s’arrêter.
Il n’y a rien de plus simple.
Maintenant, mettez vos mains en dessous de vos côtes flottantes.
Derrière.
Pour sentir les côtes.
Parce qu’à l’inspiration, il faut sentir vos côtes flottantes se soulever, elles sont là pour ça.
Vous les voyez ?
Vous les sentez ?
Les côtes flottantes se soulèvent, parce que l’inspiration est comme ça, voyez, le diaphragme fait ça, il épouse les côtes devant le thorax, voyez, et puis il s’en va comme ça en arrière.
Les côtes flottantes se soulèvent et on dit que c’est une respiration costo-abdominale-diaphragmatique.
On devrait même dire diaphragmatique-costo-abdominale, parce que c’est grâce au diaphragme qu’il y a inspiration.
Vous n’êtes pas en train d’avaler de l’air, ça rentre tout seul.
Le diaphragme fait son travail,.
Dans cette position là, vous êtes décontracté, donc ça se passe très bien.
Quand vous avez pris conscience de ça, il se passe exactement la même chose quand vous jouez, mais il y a une chose que vous ne verrez pas, c’est votre abdomen qui rentre.
Comme il rentre en ce moment.
Vous ne le verrez pas, il rentrera mais vous ne le verrez pas, parce que vous allez vous servir de vos abdominaux, de vos dorsaux, pour émettre un son, c’est à dire mettre votre air en pression.
Poussez, poussez, ça ne doit pas rentrer, attention ! ça rentre mais on ne le voit pas.

Mais là je cesse de respirer naturellement, je contracte... ? (François)

Oui, parce que vous avez envie d’un son...
Donc une pression se fait à l’intérieur, c’est pour ça que ça va entrer parce que vos abdominaux vont intervenir,
Les muscles, voyez, se dédoublent, comme les biceps, n’importe quel muscle, réagit, et vos abdominaux vont pousser sur votre sac d’air et vont se dédoubler, en haut vous ne sentirez rien, vous ne verrez rien, ça rentrera pas.
C’est ça ce que je veux dire.
Ça rentre en dessous de la ceinture abdominale : c’est votre expiration.
Vous allez vous retrouver plat comme une galette.
Regardez vous respirer encore une fois.
Voilà.
Mettez votre main sur votre abdomen, l’abdomen se gonfle : inspiration, il se dégonfle : expiration.
Et comme je vous ai dit tout à l’heure, ça sera toujours comme ça.
Ça joue, c’est la même chose.
Mais vous ne verrez pas votre abdomen rentrer parce que votre ceinture abdominale doit intervenir pour vous faire faire de la pression :
une pression intérieure,
qui aura une influence sur la projection, bien sûr, mais pas une influence sur shhh (Robert met sa main devant sa bouche et souffle), une influence intérieure, une pression intérieure, comme quand vous chantez : uuuuuhhh (Robert chante)
Quand vous chantez, c’est intérieur, il y a la pression qui se fait, ça sort mais en tout cas vous n’êtes pas, uuuuhh (Robert chante), en train de faire sortir votre chant.
Alors maintenant vous allez chanter, pourquoi pas ? Allez, chantez !!
aaaaahh (François chante)
Poussez !
En dessous, ça se dégonfle.
Maintenant, vous retrouvez votre inspiration, bravo ! là, vous retrouvez votre inspiration abdominale, diaphragmatique-costo-abdominale.
C’est bien ça, vous avez vu ?
Ça s’est fait tout seul parce que vous vous êtes décontracté.
Recommencez !.
A la suite d’une inspiration...,
Que vous ne faites pas, c’est l’envie de chanter qui provoque cette inspiration,
Donnez vous un peu de peine,
allez ! Faites trembler la baraque !
allez ! poussez!, non ! c’est pas vrai !
Vous avez eu une inspiration en haut, thoracique, il faut que ce soit une inspiration abdominale, comme vous faisiez tout à l’heure, inspiration naturelle.
Poussez contre votre main, en dessous de votre main ça se dégonfle, et vous décontractez votre ceinture abdominale.
Vous retrouvez...., non ? Voilà, la fin était bien, mais pas le début, parce que vous avez eu une inspiration thoracique au départ, parce que c’est la volonté qui est intervenue.
Tout à l’heure vous me l’avez très bien fait, parce que c’est pas vous qui l’avez fait, tandis que là, vous avez voulu vous appliquer, le résultat ne s’est pas fait attendre.
Allez-y ! oui ! ça c’est bien ! Poussez !
En dessous de votre poussée, ça se dégonfle, voilà, eh!bien, à la suite de ça l’abdomen doit se gonfler et ça repart, bien, vous êtes bon, ça se fait tout seul, vous n’avez absolument rien à faire.
Maintenant il faut qu’on retrouve ça dans une position verticale, debout, eh!oui, on ne peut pas rester comme ça !

Tu ne crois pas que ça peut arranger les choses ? c’est beaucoup plus simple, autrement c’est compliqué tout ça, je n’y comprenais plus rien, moi, alors d’un seul coup, je me suis dit mais on va....,Oh puis tu as bien fait, là, d’amener notre ami, comme ça voilà, comme ça au moins c’est bien et puis c’est sur le tas, ça c’est la vérité !
 
Bon eh! bien, la même chose dans la position verticale.
Ca veut dire qu’on se regarde respirer, vous avez fière allure, vous êtes droit, c’est beau !
Vous vous regardez respirer.
Ne faites rien.
Le diaphragme descend..., et il remonte.
Il faut retrouver exactement ce que vous avez fait, ce qui se faisait avant, quand vous étiez allongé.
Mettez votre main, là, sous vos côtes flottantes,
Voyez,
C’est pour ça qu’on dit que c’est une inspiration diaphragmatique-costo-abdominale, parce que le diaphragme fait ça...., voyez...., il épouse la cage thoracique, là, voyez..., il commence par soulever les côtes flottantes, il commence par soulever, ce n’est pas lui, c’est l’inspiration qui se fait, ce sont vos poumons qui se gonflent, voilà..., c’est à la base que ça se passe, pas là-haut, vous le sentez bien, et bien devant...,
C’est pour ça qu’il ne faut pas se tourmenter. Tout le monde est devant ; mais devant, c’est la conséquence, justement, c’est le trop plein des côtes flottantes qui sont soulevées, on ne peut plus faire mieux, et puis devant, ça se garnit.
Bon, alors maintenant, vous faites ceci, donnez votre main,
uuuh...(Robert chante), on retrouve ce qu’on a fait, ce qui se faisait, pardon!. Regardez bien, voilà, décontraction, et vous retrouvez l’inspiration naturelle.
Allez-y ! Chantez ! Mettez votre main sur votre abdomen, comme on a fait tout à l’heure !
Petite erreur :
Ce n’est pas comme ça.
Vous avez commencé par l’inspiration au lieu de commencer par la décontraction qui vous aurait amené l’inspiration, je ne sais pas si vous me suivez ?
Alors que vous avez fait uuuh..., vous vous êtes décontracté mais en même temps vous avez pris de l’air, au lieu de uuuuh..., regardez bien, ça rentre tout seul.
Puisque lorsque nous jouons, lorsque nous chantons, le diaphragme monte, on ne s’en occupe pas mais enfin il monte.
Je me décontracte, il descend et me fait inspirer.
Quand vous étiez allongé, vous vous êtes rendu compte que votre diaphragme prenait l’air et renvoyait l’air, c’est d’accord, donc si vous êtes décontracté, votre diaphragme va faire son travail de muscle inspirateur, c’est clair.
Poussez ! Poussez ! Lâchez tout ! Ne prenez pas d’air ! Merci, et ça repart, et là.....
On est frustré.
On se dit "mais il ne fait pas d’air avec son truc !"
A la fin de l’émission, il n’y a plus rien, évidemment, on est en manque, on a fini notre phrase et il n’y a plus rien, alors on donne la priorité à faire rentrer l’air et c’est le commencement de la fin, parce que on a pris de l’air au lieu de le laisser pénétrer.
C’est de la musique qui rentre, ce n’est pas de l’air.
Il y a une chose que vous ne verrez pas, je vous l’ai signalé lorsque vous étiez allongé, c’est l’abdomen qui rentre,
uuuh,
Il rentre mais vous ne le voyez pas, parce que les abdominaux travaillent, maintenant je relâche mes abdominaux, je retrouve ma respiration costo-abdominale, mon diaphragme monte forcément, il fait son rôle de muscle inspirateur - Heureusement qu’il est là parce qu’ on ne s’en occupe pas- , ça respire.
Vous allez vous régaler !
La décontraction entraîne l’inspiration, je n’ai pas à inspirer, le diaphragme fait son travail.
Tout le monde se fout en l’air à cause de ça.
Tous les professeurs font prendre de l’air, alors l’inspiration se fait au sommet, la respiration est thoracique, et puis on bloque, et on vient jouer.
C’est pour ça qu’il n’y a plus aucun soliste en France, il n’y a plus d’artiste.
Il n’y a plus que des techniciens, ça remue les doigts, et ça ça marche fort, mais la vie n’y est plus.
Tout le monde est en train de prendre de l’air, voilà, prend de l’air ! Mets de l’air !
Il suffit de dire à quelqu’un "allonge ta phrase !" pour qu’’il prenne de l’air.
C’est l’artiste qui doit commander au, disons..., manoeuvre, qui va lui faire prendre un peu plus..., pas d’air, de musique, c’est de la musique !
Alors il nous semble qu’on va pouvoir en prendre, en prendre...
Il faut prendre conscience des côtes flottantes, tout est là, c’est là, c’est là, c’est une ceinture d’air, et regardez vous respirer ! Mettez vos mains là : prenez de la musique, des vibrations.
Voilà, eh!bien vous voyez ?
Vous avez une ceinture d’air, et là, vous vous regardez respirer, ce n’est pas vous qui prenez de l’air.
Il va falloir retrouver cette inspiration, après uuuh..., après avoir produit votre effort.
Mais l’effort qu’est ce que c’est ?
Les abdominaux, les dorsaux, c’est tout, le diaphragme n’est pas dans le coup, il remonte, uh...., maintenant il va descendre, parce qu’il fait son travail de muscle inspirateur, ce n’est pas compliqué, il ne faut pas sortir des Grandes Écoles pour comprendre ça,
Mais il y en a beaucoup qui comprennent à l’envers....
Il faut garder cette respiration naturelle quelles que soient les conditions qui risquent que de nous en empêcher.
On ne peut garder cette respiration naturelle que si l’on est décontracté.
Pour être décontracté, il faut avoir les pieds sur terre, au centre de gravité,
Assis, il faut prendre conscience de ses fesses et de ses pieds.
Il faut avoir une assise, voilà, là vous avez une assise et vous avez votre décontraction.
On coince quand on est en équilibre bancal, c’est pour ça qu’il est important d’avoir les fesses sur le siège et les pieds bien accrochés sur le sol, voilà.
Autrement dit, en haut il n’y a plus rien, c’est l’artiste, en bas, c’est le manoeuvre, qui est là pour transpirer.
Il faut toujours rejoindre son centre de gravité. Il faut le faire autant pour chanter que pour jouer.
Je m’enfonce, je m’enfonce complètement, parce que mon sac d’air diminue de volume,
je suis toujours sur l’air, tandis qu’autrement je suis sur le son.
Voilà, et qu’est ce qui se passe ?
Eh bien ça ne travaille plus, il n’y a plus rien, plus rien de naturel, parce que je pars sur le son, je fais le son alors que le son ne se fait pas, c’est la vie !
Il faut vivre et non faire.
J’ai envie de chanter, ça chante.
Bien, vous prenez votre tube, ça joue, je ne joue pas sur les mots, attention! C’est la vérité.
Ça respire, ça joue, ça mange, ça boit!
Toutes les choses de la vie se font toutes seules!
Mais quand on prend la trompette, on veut jouer de la trompette, et c’est là que ça ne va plus, alors que ça joue tout seul.
La pensée engendre la volonté, ça c’est sûr, la volonté détruit l’envie et sans envie il n’y a pas d’équilibre, sans plaisir pas de réussite .
Oui, ce sont des petites phrases, mais c’est quand même la vérité, ce n’est pas compliqué, c’est l’art de rester soi-même, seulement pour rester soi-même, il ne faut pas être dans la tête, c’est pour ça que l’on peut dire qu’il faut avoir confiance en soi.
Combien de garçons assurent le son, voilà par exemple, si on a envie de uuuh..., pas de problème.
On chante juste tous les trois, pourquoi ? Parce qu’on n’y met pas notre nez.
Quand on a un bout de ferraille sur les lèvres, ça ne devrait pas être différent, seulement ça l’est, parce que l’on sent l’embouchure, on veut assurer le son qu’on nous demande, et alors là, terminé, c’est foutu, terminé.
Il faut être artiste, il faut avoir une décontraction expressive, c’est à dire, comme le dit madame Hoppenot (dans son livre "Le violon intérieur"), le tonus dans la décontraction.

Cette dame voulait me rencontrer, on avait un élève en commun qui travaillait le violon chez elle et la trompette chez moi. Il lui racontait comment ça se passait, alors elle a dit qu’il faudrait organiser une rencontre mais malheureusement elle est décédée avant d’avoir pu la réaliser. On aurait été contents ensemble, on parlait la même langue, Oh, ce n’est pas tellement difficile, on parlait tous les
deux d’inspiration expressive.

C’est comme quand on remplit une bouteille, on met de l’eau dedans, quand on verse, c’est de l’eau, si on y met un autre breuvage, c’est un autre breuvage.
Eh bien, dans les poumons, si on met de l’air bête on obtient un son bête qu’il faut colorer à la sortie.
Pour sortir de la musique, il faut y avoir mis de la musique.
Les anciens n’étaient pas des cons, ils appelaient ça une inspiration expressive.
De nos jours, l’expression, rien à glander, rien !
C’est va-z-y machin et puis c’est tout, il faut se massacrer, alors pour ça il y a des exercices pour se muscler les lèvres.
Il n’y a rien de tel pour être sur la gueule, mais on n’est pas dans son corps, la musique n’existe pas, on la fait, on ne la vit pas.
Comment fait-on une émission ?
C’est très simple.
Parce que c’est encore une question de prendre son temps, mais il faudrait que ça aille vite, très vite.
La première leçon concernant l’émission avec un professeur consiste à habituer l’élève à imaginer chasser un corps étranger de la bouche avec un coup de langue,
va-z-y machin !
Alors ça c’est vrai, tu as un son, et pendant les premières années, encore un génie! Mais tu retrouves le génie 5 ans après complètement sur la gueule, il faut aller vite alors ça va vite.
Mais avec moi, ça n’allait pas vite, même le fils de Maurice, quand Maurice a voulu que je m’occupe de lui, il n’a pas eu l’instrument tout de suite ! Pourtant il y en avait des instruments, mais j’ai dit à Maurice "Nicolas tout nu !" et Maurice a dit "bon, comme tu veux", et Nicolas a eu l’embouchure, et encore c’est moi qui lui ai mis, quand il a su me faire la différence entre le bruissement et la vibration des lèvres.
La langue est ronde et molle, c’est normal, c’est sa position.
Il faut la positionner comme pour dire "QUI", sans tirer les coins de la lèvre.
On garde la langue placée comme pour dire "QUI" mais on ne le dit pas, on garde le i.
Avec la langue placée pour dire "QUI", ça fait une occlusion, il ne reste rien là-haut, il ne nous reste que les dorsaux.
Il n’y a qu’à mettre la main là, derrière, langue placée, et ça va faire un bruissement.
S’il y a bruissement, c’est qu’il y a eu mouvement, eh!bien, l’émission est là, voilà, elle n’est pas là-haut.
Remuer la langue pour jouer est complètement idiot, on n’entend rien avec une langue qui remue, la langue est muette, on ne peut pas jouer avec.
Le TU est très bien, comme le dit ARBAN, seulement il ne faut pas mettre la voyelle dans la bouche avec la consonne qui pousse, c’est pas ça, quand la langue est placée, la voyelle est derrière.
Il n’y a pas de langue sur le premier son, il faut que ça soit net sans langue, comme pour dire "UN", uniquement avec les dorsaux.
Pour le détaché, c’est très simple, la langue se remet en place puis retombe comme pour dire "DEUX", non, c’est à l’envers ça (François),
il faut dire "DEUX", "UN" puis "DEUX",
on regarde ce que fait la langue quand on dit "DEUX".
Sur le "UN" la langue ne bouge pas, pourtant c’est net, parce que tu vois ? Le bout de la langue est derrière les dents de la mâchoire inférieure lorsque l’on dit "UN".
Pour dire "DEUX", tu es obligé de remonter ta langue, le bout de la langue.
"UN"... "DEUX", oui, mais ce n’est pas quand la langue remonte qu’on dit "DEUX", c’est quand elle se décolle, c’est vite fait hein ?
Il faut revoir ça, elle monte puis elle descend, elle monte pour occlure, et puis après elle descend, ça fait donc, "UN" , "DEUX".
Les professeurs sont cons comme c’est pas vrai, ils nous disent exactement le contraire, ils mettent la voyelle dans la bouche...
Tous les gens ont ce problème, à partir du moment où tu as ton détaché à l’envers, la respiration est aussi à l’envers, c’est pareil, alors que si on a un détaché parlé, c’est bon !

J’ai quand même eu de la chance, tu vois, parce que je ne suis pas rentré au conservatoire de PARIS (1936 ). Car c’était une chance, oui, parce que le concerto était trop dur, je m’étais rétamé. A ce moment, il y avait deux concours, le premier avec un morceau au choix, j’avais mon cheval de bataille, tu penses, les variations en ré bémol de "Bussère", je m’en rappelle, alors ça, c’était tout à fait mon truc, ça marchait bien, c’était pas trop haut, et puis entre chaque variation on prenait le temps de décoller et on reprenait l’autre variation, alors tu penses, moi, j’avais fait mon petit effet et j’avais été retenu au premier tour, voilà, et pourtant à ce moment là il n’y avait pas beaucoup de monde. Au deuxième tour, manque de chance, un concerto de "Soulage", à la fin de la première partie il y avait le contre ut, je n’ai jamais été foutu de sortir le contre ut, si bémol maximum, bon mais ça ne fait rien, étant donné que j’avais été reçu au premier tour, j’avais le droit d’assister au cours en auditeur, alors tu penses, moi j’étais à la caserne de la Pépinière, juste à coté du conservatoire, pas loin, donc j’allais à tous les cours, et puis j’avais un ami, Marcel Caens, le père de Thierry, qui lui était à la classe, il était élève. On allait ensemble, on revenait ensemble et lui, il se foutait sur son lit et pleurait à chaudes larmes, il s’était fait incendier, il ne comprenait pas, il ne pouvait pas comprendre
parce que lui aussi avait le tu à l’envers.
Moi, alors, je prenais des leçons particulières avec le professeur Eugène Foveau, élève de Franquin, et alors il me disait, " mais si vous ne pouvez pas le jouer, dîtes le ! parlez derrière votre instrument". Parler derrière l’instrument ! je ne savais dire que TU, moi, et à l’envers en plus, je ne me suis pas remis d’aplomb pour autant, ce sont des années et des années après que petit à petit j’ai compris tout ça. Au début, je ne comprenais pas, parce que ça marchait, enfin ça marchait..., pas beaucoup, mais on s’en contente, c’est vrai, on a un son, on est content. C’était pas ça. Alors, petit à petit, c’est mon subconscient qui s’est mis au boulot, parce que j’avais beau chercher, je ne trouvais pas, mon frère Claude, lui, quand il avait fini, avait mal aux pieds, alors moi, j’ai cherché à avoir mal aux pieds, et à force de tourner autour j’ai dit bon ben ça va, laisse tomber, et j’ai bien fait parce que mon subconscient s’est foutu au boulot, parce que je ne pensais plus. Ça c’est en 1936.

Les jeunes d’aujourd’hui sont dans la même situation, exactement la même chose, l’enseignement de la trompette n’a pas évolué, on est toujours sur le résultat, mais les racines, on ne connaît pas.
C’est quand même malheureux.
Un jour, un élève ne comprenait pas, j’ai dit attend, tu vas comprendre, je suis sorti, j’ai arraché un brin d’herbe, avec la racine, et je lui ai amené.
Je lui ai demandé pourquoi y a t-il ce brin d’herbe ? Parce qu’il y a la racine, c’est tout, toi, si tu as un son, c’est parce qu’il y a une racine aussi.
S’il n’y a pas de racine, l’herbe ne pousse pas. Notre son, c’est pareil, s’il n’y a pas de racine, ça se casse la figure aussi, voilà, c’est tout.
Il y en a quand même qui arrivent à jouer sans racines, oui, parce qu’ils ont une musculature, ils ont la gueule, mais ce n’est pas ça de toute façon, ce n’est pas la vérité.
Le malheur est que les gens qui jouent bien ne peuvent pas enseigner, ils ne sentent rien, rien, rien.
Va prendre une leçon avec Maurice ! Maurice dit des choses fantastiques, la musique c’est comme du champagne, ça pétille, la trompette ça se joue avec les tripes, bon, c’est très bien, il faut remplacer les cordes vocales par les lèvres, c’est merveilleux aussi tout ça, c’est simple, mais seulement, peut-être que nous sommes trop compliqués.
C’est pour ça qu’il faut que ça ne soit pas trop compliqué quand on écrit quelque chose, simplifier au maximum.
La langue :
Quand la trompette arrive, il faut que l’inspiration se fasse.
Continuons à nous regarder respirer.
Il faut regarder l’emplacement sur lequel l’inspiration se transforme en expiration, prendre conscience de l’inspiration, qu’on ne fait pas.
Tout est dans la vision.
La trompette va arriver, et la trompette, c’est concret, on la voit malgré tout, et ce que je demande, moi, c’est de l’abstrait, ce souffle qui pénètre en nous, enfin bref, on se l’imagine plutôt.
Eh!bien il faut que ce souffle qui pénètre en nous, ça soit du concret, que la trompette qui arrive, ça soit abstrait.
C’est pour ça qu’il faut une grande concentration intérieure et au moment où la trompette arrive sur les lèvres, eh!bien nous on est là où l’inspiration se transforme en expiration.
(Retour sur François)
Oh ! c’est fantastique ! et ça joue, c’est vivant, et puis c’est tellement agréable, on cherche quelque chose qui est bon.
Non, on est dans la tête en ce moment, je vous vois penser.
Vous pensez, eh! bien oui, pourquoi je vous vois penser ?
Vous commencez à triturer vos lèvres, ça veut dire que vous allez vous mettre quelque chose là, alors ça mon ami, on peut avoir la gueule sèche, mouillée, peu importe, ça n’a plus aucune espèce d’importance, parce que là, c’est la sortie, ce n’est pas la fabrication.
La fabrication est là en bas, on en a pris conscience tout-à-l’heure, la poussée était bien là, et pas là haut, là haut ça passe, c’est un passage, la trompette arrive mais on ne s’en occupe pas.
Ce qui nous... oh ! il pense !
Il suffit de stabiliser sa vision sur le nombril, là, c’est le vide immédiat,
C’est très bien ça, hein, ne pensez pas.
C’est la vision, on appelle ça la vision créatrice, eh!bien, on en profite, vous rappelez le TU, ça y est, il pense, c’est foutu, c’est pas tout à fait ça, parce qu’on était pas là, sur le nombril.
Lorsque, par exemple, mon embouchure va arriver, c’est le plaisir, le plaisir c’est un élan.
Quand on prend un élan pour franchir un obstacle, arrivé devant l’obstacle, emporté par l’élan, boum, ça y va, ça joue, il ne faut pas jouer, ça joue, je ne joue pas sur les mots.
Quand on a envie de chanter, uhhh, on chante, chantez ! On n’est pas là en train de.....ça chante.
Derrière la trompette, c’est pareil, il faut que ça s’intériorise comme le chant, c’est pareil.
Chantez !
C’est de l’or !! Mais vous ne savez pas ce que vous avez fait, c’est pour ça que c’était bien.
Vous êtes bon, à condition de ne pas vous poser de questions, je vais vous dire ce qui s’est passé , vous avez eu une inspiration bien, propre, dans le bon sens, et puis ça a joué. A la fin de cette inspiration, ça jouait.
Encore !
Vivez votre inspiration ! Régalez vous !
Vous savez bien que dans la vie tout est basé sur la préparation.
On prépare, on prépare, on prépare.
Si on a bien préparé, bon, il y a une explosion qui est là, c’est comme en amour, tout est basé sur la préparation, quand tu as craché ta purée, tu as l’air d’un con !
Préparation, préparation, préparation,
Et puis forcément, au bout du compte, ça y est, ça joue, c’est la même chose, seulement il faut se régaler dans la préparation.
Il ne faut pas faire un exercice respiratoire, si on fait un exercice respiratoire, on se bloque, et puis il faut jouer, tandis que là, c’était très très bien, parce que ça jouait.
c’est la même chose, on ne le fait pas, on vit, il faut vivre, il n’y a pas de retour, c’est le non-retour, c’est le non-faire, voilà, ça s’appelle vivre et non faire, si on vit bien ça se fera, voilà ça joue, mettez la sauce et puis ça y est, c’est parti !
Dans ce son qu’on n’a pas fait, il y a toutes les couleurs.
On y va...stop..., l’inspiration était moins bien, elle était un peu au sommet, il faut qu’elle arrive ici, sur le nombril, allez on y va ! Il faut se décontracter à la fin de l’inspiration, comme ça, ça joue.
Il n’y a pas besoin de se tourmenter puisque dans le son, que nous ne faisons pas, il y a tous les harmoniques, on a vécu le son, on ne l’a pas fait.
95 % des garçons aujourd’hui assurent le son qu’ils désirent, donc ils assurent, seulement, ils sont sur la gueule, ils sont sur un seul harmonique, ils ne sont pas sur le son, le son c’est quelque chose qui contient tout, toutes les couleurs, tous les harmoniques.
Tout le monde bouffe des notes, des notes, alors que les notes, ça existe, mais il faut les apprendre pour les oublier, parce qu’on ne fait pas des notes.
Les notes représentent d’ailleurs des durées et des sons. Moi, je ne sais pas si ça va sortir, mais lui, le subconscient, il le sait, la preuve, chantez ! il ne s’est pas trompé, ça s’appelle la confiance en soi.
C’est bien.
Mais quand on finit il faut continuer, au début c’est très bien, mais après, on écoute, ou du moins on entend fortement, alors que si on restait sur le sac d’air, ça serait extraordinaire, le départ est excellent, alors c’est la suite qui ne va pas, pourquoi ?
Parce qu’on est content, on écoute, mais on n’est pas auditeur, attention ! Ça sert à quoi de s’écouter ? à rien, c’est sorti, c’est sorti, si c’est beau, on pavoise, si ce n’est pas beau, on fait la gueule, mais c’est quand même sorti, voilà, bouchons-nous les oreilles, l’entendement est là, sur le nombril, comme s’il y avait un soleil, des vibrations.
C’est une manière de vivre, ça devient instinctif.
Les lèvres :
Les lèvres doivent être fermes, comme pour siffler, on est donc sur l’air.
Les anciens étaient des artistes, ils préconisaient le filage de son, ça voulait dire on commence pp, p, mf, f , ff, fff, ffff, fff, ff, f, mf, p, pp, alors que ça n’a pas été fait pour la nuance, finalement.
Ça a été fait pour ouvrir son corps, je le sais parce qu’on m’a dit de filer des sons, alors moi j’ai filé avec le son, et qu’est ce qui s’est passé ?
Plus j’allais vers l’extérieur, plus je me rétamais, alors qu’il faut aller verticalement vers le bas.
Regarde comment devient la gueule : pointue.
Je ne l’ai pas fait, ça s’est fait tout seul, parce que mon souffle s’intériorise, c’est tout, tu vois ? Pour un peu mon embouchure se décolle, et là, j’ai la pince, j’ai la vibration, sans la chercher, bien jouer veut dire être sur l’air, c’est fantastique!
On vient de travailler dans l’ordre dans lequel on doit construire. Il ne faut pas oublier la racine.
La lèvre est un faux problème, absolument, j’ai toujours dit que c’était le souffle qui faisait la lèvre, ça c’est sûr!
Il faut poser l’embouchure sur deux lèvres qui se touchent, si on est heureux, bravo!
Si on n’est pas heureux, on n’y est pas et puis c’est tout.
L’histoire n’est pas compliquée, il faut être ailleurs que sur les lèvres, si on est sur les lèvres, on est incapable de jouer, l’embouchure se décolle d’elle-même, je n’ai pas à la décoller.
Il faut toujours s’intérioriser, c’est pour ça que le son filé est très bien, mais seulement en laissant vraiment filer le son, et toujours avoir cette verticalité, cette ouverture du corps, pas autre chose.
Quand on chante, le corps s’ouvre, s’ouvre, s’ouvre!

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