A tous vents...
  Robert Pichaureau, maître et docteur
  François Gaston, élève et patient
Enregistré et transcrit par Philippe Maillard, élève 
  et patient
  Gratens, le 10 mai 1997
   
Introduction
    Robert Pichaureau enseignait dans un discours imagé, très 
  riche en expressions marquantes. On avait décidé ensemble, pour 
  réussir à en conserver une trace écrite fidèle à 
  son enseignement, de transcrire "telle quelle" une leçon type 
  illustrant les différents sujets de son discours. François Gaston 
  a accepté au pied levé d’être l’élève 
  type pour sa première leçon. J’ai souhaité conserver 
  le langage parlé de Robert Pichaureau sans corriger les redites ou imprécisions 
  qui apparaissent par-ci par-là, on peut ainsi encore mieux apprécier 
  le sel de ce merveilleux moment de vie qu’est la leçon de trompette 
  de Robert Pichaureau.
  Avant d’être distribué à tous les amis trompettistes 
  et devenir un remède en cas de besoin, le texte définitif attendait 
  d’être complété par les images et dessins très 
  vivants (le gorille Maurice ou le regard vide de Charlie Parker par exemple) 
  utilisés par Robert Pichaureau pour mieux nous aider.
  Peut-être dans une future version remaniée ?
  Il faut se lancer..... On y retrouvera toute sa générosité 
  et un arrière goût de trop peu, le goût de l’immense 
  chaleur humaine de ses leçons.
  
  Il faisait un temps splendide ce jour-là, on voyait très bien 
  les Pyrénées.......
  Philippe
  11 Février 1999
  On trouvera en italique soit les commentaires de Robert lui-même, soit 
  des commentaires destinés à éclaircir la situation.
   
  Attention, ça démarre !
  
  On va commencer par s’allonger, et puis tu vas enregistrer de façon 
  à ce que ça soit clair, parce que là, ce n’est pas 
  clair - référence à l’article de 1978 pour l’école 
  de musique de Lons Le Saulnier - là, j’ai tourné autour, 
  c’est bon, mais c’est trop compliqué ! Il ne faut pas que 
  ça soit compliqué.
  Allez, François ! De toute façon, ça lui fera du bien ! 
  Allongez vous sur le dos.
   
  On va parler de respiration.
  Maintenant, on se regarde respirer,
  alors, 
  à l’inspiration : l’abdomen se gonfle.
  Mettez la main sur l’abdomen.
  Voilà,
  Donc à l’inspiration : l’abdomen se gonfle.
  A l’expiration : il se dégonfle.
  Ce qui veut dire que vous ne savez pas du tout si vous prenez de l’air 
  de l’extérieur, vous ne vous en rendez pas compte.
  Quand, par exemple, vous expirez, vous ne vous rendez pas compte que vous renvoyez 
  votre souffle vers l’extérieur.
  C’est quelque chose de continu : inspiration - expiration,
  Vous ne pouvez pas me dire à quel moment l’inspiration se transforme 
  en expiration, si vous pouvez me le dire c’est que vous vous arrêtez.
  Il ne faut pas s’arrêter.
  Il n’y a rien de plus simple.
  Maintenant, mettez vos mains en dessous de vos côtes flottantes.
  Derrière.
  Pour sentir les côtes.
  Parce qu’à l’inspiration, il faut sentir vos côtes 
  flottantes se soulever, elles sont là pour ça.
  Vous les voyez ?
  Vous les sentez ?
  Les côtes flottantes se soulèvent, parce que l’inspiration 
  est comme ça, voyez, le diaphragme fait ça, il épouse les 
  côtes devant le thorax, voyez, et puis il s’en va comme ça 
  en arrière.
  Les côtes flottantes se soulèvent et on dit que c’est 
  une respiration costo-abdominale-diaphragmatique.
  On devrait même dire diaphragmatique-costo-abdominale, parce que c’est 
  grâce au diaphragme qu’il y a inspiration.
  Vous n’êtes pas en train d’avaler de l’air, ça 
  rentre tout seul.
  Le diaphragme fait son travail,.
  Dans cette position là, vous êtes décontracté, donc 
  ça se passe très bien.
  Quand vous avez pris conscience de ça, il se passe exactement la même 
  chose quand vous jouez, mais il y a une chose que vous ne verrez pas, c’est 
  votre abdomen qui rentre.
  Comme il rentre en ce moment.
  Vous ne le verrez pas, il rentrera mais vous ne le verrez pas, parce que vous 
  allez vous servir de vos abdominaux, de vos dorsaux, pour émettre un 
  son, c’est à dire mettre votre air en pression.
  Poussez, poussez, ça ne doit pas rentrer, attention ! ça rentre 
  mais on ne le voit pas.
   
  Mais là je cesse de respirer naturellement, je contracte... ? (François)
   
  Oui, parce que vous avez envie d’un son...
  Donc une pression se fait à l’intérieur, c’est pour 
  ça que ça va entrer parce que vos abdominaux vont intervenir,
  Les muscles, voyez, se dédoublent, comme les biceps, n’importe 
  quel muscle, réagit, et vos abdominaux vont pousser sur votre sac d’air 
  et vont se dédoubler, en haut vous ne sentirez rien, vous ne verrez rien, 
  ça rentrera pas.
  C’est ça ce que je veux dire.
  Ça rentre en dessous de la ceinture abdominale : c’est votre expiration.
  Vous allez vous retrouver plat comme une galette.
  Regardez vous respirer encore une fois.
  Voilà.
  Mettez votre main sur votre abdomen, l’abdomen se gonfle : inspiration, 
  il se dégonfle : expiration.
  Et comme je vous ai dit tout à l’heure, ça sera toujours 
  comme ça.
  Ça joue, c’est la même chose.
  Mais vous ne verrez pas votre abdomen rentrer parce que votre ceinture abdominale 
  doit intervenir pour vous faire faire de la pression : 
   une pression intérieure,
  qui aura une influence sur la projection, bien sûr, mais pas une influence 
  sur shhh (Robert met sa main devant sa bouche et souffle), une influence 
  intérieure, une pression intérieure, comme quand vous chantez 
  : uuuuuhhh (Robert chante)
   Quand vous chantez, c’est intérieur, il y a la pression qui 
  se fait, ça sort mais en tout cas vous n’êtes pas, uuuuhh 
  (Robert chante), en train de faire sortir votre chant.
  Alors maintenant vous allez chanter, pourquoi pas ? Allez, chantez !!
  aaaaahh (François chante)
   Poussez !
  En dessous, ça se dégonfle.
  Maintenant, vous retrouvez votre inspiration, bravo ! là, vous retrouvez 
  votre inspiration abdominale, diaphragmatique-costo-abdominale.
  C’est bien ça, vous avez vu ?
  Ça s’est fait tout seul parce que vous vous êtes décontracté.
  Recommencez !.
  A la suite d’une inspiration...,
  Que vous ne faites pas, c’est l’envie de chanter qui provoque cette 
  inspiration,
  Donnez vous un peu de peine,
  allez ! Faites trembler la baraque !
  allez ! poussez!, non ! c’est pas vrai !
  Vous avez eu une inspiration en haut, thoracique, il faut que ce soit une inspiration 
  abdominale, comme vous faisiez tout à l’heure, inspiration naturelle.
  Poussez contre votre main, en dessous de votre main ça se dégonfle, 
  et vous décontractez votre ceinture abdominale.
  Vous retrouvez...., non ? Voilà, la fin était bien, mais pas le 
  début, parce que vous avez eu une inspiration thoracique au départ, 
  parce que c’est la volonté qui est intervenue.
  Tout à l’heure vous me l’avez très bien fait, parce 
  que c’est pas vous qui l’avez fait, tandis que là, vous avez 
  voulu vous appliquer, le résultat ne s’est pas fait attendre.
  Allez-y ! oui ! ça c’est bien ! Poussez !
  En dessous de votre poussée, ça se dégonfle, voilà, 
  eh!bien, à la suite de ça l’abdomen doit se gonfler et ça 
  repart, bien, vous êtes bon, ça se fait tout seul, vous 
  n’avez absolument rien à faire.
  Maintenant il faut qu’on retrouve ça dans une position verticale, 
  debout, eh!oui, on ne peut pas rester comme ça !
  
  Tu ne crois pas que ça peut arranger les choses ? c’est beaucoup 
  plus simple, autrement c’est compliqué tout ça, je n’y 
  comprenais plus rien, moi, alors d’un seul coup, je me suis dit mais on 
  va....,Oh puis tu as bien fait, là, d’amener notre ami, comme ça 
  voilà, comme ça au moins c’est bien et puis c’est 
  sur le tas, ça c’est la vérité !
    
  Bon eh! bien, la même chose dans la position verticale.
  Ca veut dire qu’on se regarde respirer, vous avez fière 
  allure, vous êtes droit, c’est beau !
  Vous vous regardez respirer.
  Ne faites rien.
  Le diaphragme descend..., et il remonte.
  Il faut retrouver exactement ce que vous avez fait, ce qui se faisait avant, 
  quand vous étiez allongé.
  Mettez votre main, là, sous vos côtes flottantes,
  Voyez,
  C’est pour ça qu’on dit que c’est une inspiration diaphragmatique-costo-abdominale, 
  parce que le diaphragme fait ça...., voyez...., il épouse la cage 
  thoracique, là, voyez..., il commence par soulever les côtes flottantes, 
  il commence par soulever, ce n’est pas lui, c’est l’inspiration 
  qui se fait, ce sont vos poumons qui se gonflent, voilà..., c’est 
  à la base que ça se passe, pas là-haut, vous le sentez 
  bien, et bien devant...,
  C’est pour ça qu’il ne faut pas se tourmenter. Tout le monde 
  est devant ; mais devant, c’est la conséquence, justement, c’est 
  le trop plein des côtes flottantes qui sont soulevées, on ne peut 
  plus faire mieux, et puis devant, ça se garnit.
  Bon, alors maintenant, vous faites ceci, donnez votre main,
  uuuh...(Robert chante), on retrouve ce qu’on a fait, ce qui se 
  faisait, pardon!. Regardez bien, voilà, décontraction, et vous 
  retrouvez l’inspiration naturelle.
  Allez-y ! Chantez ! Mettez votre main sur votre abdomen, comme on a fait 
  tout à l’heure !
  Petite erreur :
  Ce n’est pas comme ça.
  Vous avez commencé par l’inspiration au lieu de commencer par la 
  décontraction qui vous aurait amené l’inspiration, je ne 
  sais pas si vous me suivez ?
  Alors que vous avez fait uuuh..., vous vous êtes décontracté 
  mais en même temps vous avez pris de l’air, au lieu de uuuuh..., 
  regardez bien, ça rentre tout seul. 
  Puisque lorsque nous jouons, lorsque nous chantons, le diaphragme monte, on ne 
  s’en occupe pas mais enfin il monte.
  Je me décontracte, il descend et me fait inspirer.
  Quand vous étiez allongé, vous vous êtes rendu compte que 
  votre diaphragme prenait l’air et renvoyait l’air, c’est d’accord, 
  donc si vous êtes décontracté, votre diaphragme va faire 
  son travail de muscle inspirateur, c’est clair.
  Poussez ! Poussez ! Lâchez tout ! Ne prenez pas d’air ! Merci, et 
  ça repart, et là..... 
  On est frustré.
  On se dit "mais il ne fait pas d’air avec son truc !"
  A la fin de l’émission, il n’y a plus rien, évidemment, 
  on est en manque, on a fini notre phrase et il n’y a plus rien, alors 
  on donne la priorité à faire rentrer l’air et c’est 
  le commencement de la fin, parce que on a pris de l’air au lieu de le 
  laisser pénétrer. 
  C’est de la musique qui rentre, ce n’est pas de l’air.
   Il y a une chose que vous ne verrez pas, je vous l’ai signalé 
  lorsque vous étiez allongé, c’est l’abdomen qui rentre,
  uuuh,
  Il rentre mais vous ne le voyez pas, parce que les abdominaux travaillent, maintenant 
  je relâche mes abdominaux, je retrouve ma respiration costo-abdominale, 
  mon diaphragme monte forcément, il fait son rôle de muscle inspirateur 
  - Heureusement qu’il est là parce qu’ on ne s’en occupe 
  pas- , ça respire.
  Vous allez vous régaler !
   La décontraction entraîne l’inspiration, je n’ai 
  pas à inspirer, le diaphragme fait son travail.
  Tout le monde se fout en l’air à cause de ça.
  Tous les professeurs font prendre de l’air, alors l’inspiration 
  se fait au sommet, la respiration est thoracique, et puis on bloque, et on vient 
  jouer.
  C’est pour ça qu’il n’y a plus aucun soliste en France, 
  il n’y a plus d’artiste.
  Il n’y a plus que des techniciens, ça remue les doigts, et ça 
  ça marche fort, mais la vie n’y est plus. 
  Tout le monde est en train de prendre de l’air, voilà, prend de 
  l’air ! Mets de l’air !
  Il suffit de dire à quelqu’un "allonge ta phrase !" pour 
  qu’’il prenne de l’air.
  C’est l’artiste qui doit commander au, disons..., manoeuvre, qui 
  va lui faire prendre un peu plus..., pas d’air, de musique, c’est 
  de la musique !
  Alors il nous semble qu’on va pouvoir en prendre, en prendre...
  Il faut prendre conscience des côtes flottantes, tout est là, c’est 
  là, c’est là, c’est une ceinture d’air, et regardez 
  vous respirer ! Mettez vos mains là : prenez de la musique, des vibrations.
   Voilà, eh!bien vous voyez ?
  Vous avez une ceinture d’air, et là, vous vous regardez respirer, 
  ce n’est pas vous qui prenez de l’air.
  Il va falloir retrouver cette inspiration, après uuuh..., après 
  avoir produit votre effort.
  Mais l’effort qu’est ce que c’est ?
  Les abdominaux, les dorsaux, c’est tout, le diaphragme n’est pas 
  dans le coup, il remonte, uh...., maintenant il va descendre, parce qu’il 
  fait son travail de muscle inspirateur, ce n’est pas compliqué, 
  il ne faut pas sortir des Grandes Écoles pour comprendre ça,
  Mais il y en a beaucoup qui comprennent à l’envers....
  Il faut garder cette respiration naturelle quelles que soient les conditions 
  qui risquent que de nous en empêcher.
  On ne peut garder cette respiration naturelle que si l’on est décontracté.
  Pour être décontracté, il faut avoir les pieds sur terre, 
  au centre de gravité,
  Assis, il faut prendre conscience de ses fesses et de ses pieds.
  Il faut avoir une assise, voilà, là vous avez une assise et vous 
  avez votre décontraction.
  On coince quand on est en équilibre bancal, c’est pour ça 
  qu’il est important d’avoir les fesses sur le siège et les 
  pieds bien accrochés sur le sol, voilà.
  Autrement dit, en haut il n’y a plus rien, c’est l’artiste, 
  en bas, c’est le manoeuvre, qui est là pour transpirer.
  Il faut toujours rejoindre son centre de gravité. Il faut le faire 
  autant pour chanter que pour jouer.
  Je m’enfonce, je m’enfonce complètement, parce que mon sac 
  d’air diminue de volume,
  je suis toujours sur l’air, tandis qu’autrement je suis sur le son.
  Voilà, et qu’est ce qui se passe ?
  Eh bien ça ne travaille plus, il n’y a plus rien, plus rien de 
  naturel, parce que je pars sur le son, je fais le son alors que le son ne 
  se fait pas, c’est la vie !
  Il faut vivre et non faire.
   J’ai envie de chanter, ça chante.
  Bien, vous prenez votre tube, ça joue, je ne joue pas sur les mots, 
  attention! C’est la vérité.
  Ça respire, ça joue, ça mange, ça boit!
  Toutes les choses de la vie se font toutes seules!
  Mais quand on prend la trompette, on veut jouer de la trompette, et c’est 
  là que ça ne va plus, alors que ça joue tout seul.
  La pensée engendre la volonté, ça c’est sûr, 
  la volonté détruit l’envie et sans envie il n’y 
  a pas d’équilibre, sans plaisir pas de réussite .
  Oui, ce sont des petites phrases, mais c’est quand même la vérité, 
  ce n’est pas compliqué, c’est l’art de rester soi-même, 
  seulement pour rester soi-même, il ne faut pas être dans la tête, 
  c’est pour ça que l’on peut dire qu’il faut avoir confiance 
  en soi.
  Combien de garçons assurent le son, voilà par exemple, si on a 
  envie de uuuh..., pas de problème.
  On chante juste tous les trois, pourquoi ? Parce qu’on n’y met pas 
  notre nez.
  Quand on a un bout de ferraille sur les lèvres, ça ne devrait 
  pas être différent, seulement ça l’est, parce que 
  l’on sent l’embouchure, on veut assurer le son qu’on nous 
  demande, et alors là, terminé, c’est foutu, terminé.
  Il faut être artiste, il faut avoir une décontraction expressive, 
  c’est à dire, comme le dit madame Hoppenot (dans son livre "Le 
  violon intérieur"), le tonus dans la décontraction.
   
  Cette dame voulait me rencontrer, on avait un élève en commun 
  qui travaillait le violon chez elle et la trompette chez moi. Il lui racontait 
  comment ça se passait, alors elle a dit qu’il faudrait organiser 
  une rencontre mais malheureusement elle est décédée avant 
  d’avoir pu la réaliser. On aurait été contents ensemble, 
  on parlait la même langue, Oh, ce n’est pas tellement difficile, 
  on parlait tous les deux d’inspiration expressive.
  
  C’est comme quand on remplit une bouteille, on met de l’eau dedans, 
  quand on verse, c’est de l’eau, si on y met un autre breuvage, c’est 
  un autre breuvage.
  Eh bien, dans les poumons, si on met de l’air bête on obtient un 
  son bête qu’il faut colorer à la sortie.
  Pour sortir de la musique, il faut y avoir mis de la musique.
   Les anciens n’étaient pas des cons, ils appelaient ça 
  une inspiration expressive.
  De nos jours, l’expression, rien à glander, rien !
  C’est va-z-y machin et puis c’est tout, il faut se massacrer, alors 
  pour ça il y a des exercices pour se muscler les lèvres.
  Il n’y a rien de tel pour être sur la gueule, mais on n’est 
  pas dans son corps, la musique n’existe pas, on la fait, on ne la vit 
  pas.
  Comment fait-on une émission ?
  C’est très simple.
  Parce que c’est encore une question de prendre son temps, mais il faudrait 
  que ça aille vite, très vite.
  La première leçon concernant l’émission avec un professeur 
  consiste à habituer l’élève à imaginer chasser 
  un corps étranger de la bouche avec un coup de langue,
  va-z-y machin !
  Alors ça c’est vrai, tu as un son, et pendant les premières 
  années, encore un génie! Mais tu retrouves le génie 5 ans 
  après complètement sur la gueule, il faut aller vite alors ça 
  va vite.
  Mais avec moi, ça n’allait pas vite, même le fils de Maurice, 
  quand Maurice a voulu que je m’occupe de lui, il n’a pas eu l’instrument 
  tout de suite ! Pourtant il y en avait des instruments, mais j’ai dit 
  à Maurice "Nicolas tout nu !" et Maurice a dit "bon, comme 
  tu veux", et Nicolas a eu l’embouchure, et encore c’est moi 
  qui lui ai mis, quand il a su me faire la différence entre le bruissement 
  et la vibration des lèvres.
  La langue est ronde et molle, c’est normal, c’est sa position.
  Il faut la positionner comme pour dire "QUI", sans tirer les coins 
  de la lèvre.
  On garde la langue placée comme pour dire "QUI" mais on ne 
  le dit pas, on garde le i.
  Avec la langue placée pour dire "QUI", ça fait une occlusion, 
  il ne reste rien là-haut, il ne nous reste que les dorsaux.
  Il n’y a qu’à mettre la main là, derrière, 
  langue placée, et ça va faire un bruissement.
  S’il y a bruissement, c’est qu’il y a eu mouvement, eh!bien, 
  l’émission est là, voilà, elle n’est pas là-haut.
  Remuer la langue pour jouer est complètement idiot, on n’entend 
  rien avec une langue qui remue, la langue est muette, on ne peut pas jouer avec.
  Le TU est très bien, comme le dit ARBAN, seulement il ne faut pas mettre 
  la voyelle dans la bouche avec la consonne qui pousse, c’est pas ça, 
  quand la langue est placée, la voyelle est derrière.
  Il n’y a pas de langue sur le premier son, il faut que ça soit 
  net sans langue, comme pour dire "UN", uniquement avec les dorsaux.
  Pour le détaché, c’est très simple, la langue se 
  remet en place puis retombe comme pour dire "DEUX", non, c’est 
  à l’envers ça (François),
  il faut dire "DEUX", "UN" puis "DEUX",
  on regarde ce que fait la langue quand on dit "DEUX".
  Sur le "UN" la langue ne bouge pas, pourtant c’est net, parce 
  que tu vois ? Le bout de la langue est derrière les dents de la mâchoire 
  inférieure lorsque l’on dit "UN". 
  Pour dire "DEUX", tu es obligé de remonter ta langue, le bout 
  de la langue.
  "UN"... "DEUX", oui, mais ce n’est pas quand la langue 
  remonte qu’on dit "DEUX", c’est quand elle se décolle, 
  c’est vite fait hein ?
  Il faut revoir ça, elle monte puis elle descend, elle monte pour occlure, 
  et puis après elle descend, ça fait donc, "UN" , "DEUX".
  Les professeurs sont cons comme c’est pas vrai, ils nous disent exactement 
  le contraire, ils mettent la voyelle dans la bouche...
  Tous les gens ont ce problème, à partir du moment où tu 
  as ton détaché à l’envers, la respiration est aussi 
  à l’envers, c’est pareil, alors que si on a un détaché 
  parlé, c’est bon !
  
  J’ai quand même eu de la chance, tu vois, parce que je ne suis pas 
  rentré au conservatoire de PARIS (1936 ). Car c’était une 
  chance, oui, parce que le concerto était trop dur, je m’étais 
  rétamé. A ce moment, il y avait deux concours, le premier avec 
  un morceau au choix, j’avais mon cheval de bataille, tu penses, les variations 
  en ré bémol de "Bussère", je m’en rappelle, 
  alors ça, c’était tout à fait mon truc, ça 
  marchait bien, c’était pas trop haut, et puis entre chaque variation 
  on prenait le temps de décoller et on reprenait l’autre variation, 
  alors tu penses, moi, j’avais fait mon petit effet et j’avais été 
  retenu au premier tour, voilà, et pourtant à ce moment là 
  il n’y avait pas beaucoup de monde. Au deuxième tour, manque de 
  chance, un concerto de "Soulage", à la fin de la première 
  partie il y avait le contre ut, je n’ai jamais été foutu 
  de sortir le contre ut, si bémol maximum, bon mais ça ne fait 
  rien, étant donné que j’avais été reçu 
  au premier tour, j’avais le droit d’assister au cours en auditeur, 
  alors tu penses, moi j’étais à la caserne de la Pépinière, 
  juste à coté du conservatoire, pas loin, donc j’allais à 
  tous les cours, et puis j’avais un ami, Marcel Caens, le père de 
  Thierry, qui lui était à la classe, il était élève. 
  On allait ensemble, on revenait ensemble et lui, il se foutait sur son lit et 
  pleurait à chaudes larmes, il s’était fait incendier, il 
  ne comprenait pas, il ne pouvait pas comprendre parce que lui aussi avait 
  le tu à l’envers.
  Moi, alors, je prenais des leçons particulières avec le professeur 
  Eugène Foveau, élève de Franquin, et alors il me disait, 
  " mais si vous ne pouvez pas le jouer, dîtes le ! parlez derrière 
  votre instrument". Parler derrière l’instrument ! je ne savais 
  dire que TU, moi, et à l’envers en plus, je ne me suis pas remis 
  d’aplomb pour autant, ce sont des années et des années après 
  que petit à petit j’ai compris tout ça. Au début, 
  je ne comprenais pas, parce que ça marchait, enfin ça marchait..., 
  pas beaucoup, mais on s’en contente, c’est vrai, on a un son, on 
  est content. C’était pas ça. Alors, petit à petit, 
  c’est mon subconscient qui s’est mis au boulot, parce que j’avais 
  beau chercher, je ne trouvais pas, mon frère Claude, lui, quand il avait 
  fini, avait mal aux pieds, alors moi, j’ai cherché à avoir 
  mal aux pieds, et à force de tourner autour j’ai dit bon ben ça 
  va, laisse tomber, et j’ai bien fait parce que mon subconscient s’est 
  foutu au boulot, parce que je ne pensais plus. Ça c’est en 1936.
   
  Les jeunes d’aujourd’hui sont dans la même situation, exactement 
  la même chose, l’enseignement de la trompette n’a pas évolué, 
  on est toujours sur le résultat, mais les racines, on ne connaît 
  pas.
  C’est quand même malheureux.
  Un jour, un élève ne comprenait pas, j’ai dit attend, tu 
  vas comprendre, je suis sorti, j’ai arraché un brin d’herbe, 
  avec la racine, et je lui ai amené.
  Je lui ai demandé pourquoi y a t-il ce brin d’herbe ? Parce qu’il 
  y a la racine, c’est tout, toi, si tu as un son, c’est parce qu’il 
  y a une racine aussi.
  S’il n’y a pas de racine, l’herbe ne pousse pas. Notre son, 
  c’est pareil, s’il n’y a pas de racine, ça se casse 
  la figure aussi, voilà, c’est tout.
  Il y en a quand même qui arrivent à jouer sans racines, oui, parce 
  qu’ils ont une musculature, ils ont la gueule, mais ce n’est pas 
  ça de toute façon, ce n’est pas la vérité.
  Le malheur est que les gens qui jouent bien ne peuvent pas enseigner, ils ne 
  sentent rien, rien, rien.
  Va prendre une leçon avec Maurice ! Maurice dit des choses fantastiques, 
  la musique c’est comme du champagne, ça pétille, la trompette 
  ça se joue avec les tripes, bon, c’est très bien, il 
  faut remplacer les cordes vocales par les lèvres, c’est merveilleux 
  aussi tout ça, c’est simple, mais seulement, peut-être que 
  nous sommes trop compliqués.
  C’est pour ça qu’il faut que ça ne soit pas trop compliqué 
  quand on écrit quelque chose, simplifier au maximum.
  La langue :
  Quand la trompette arrive, il faut que l’inspiration se fasse.
  Continuons à nous regarder respirer.
  Il faut regarder l’emplacement sur lequel l’inspiration se transforme 
  en expiration, prendre conscience de l’inspiration, qu’on ne fait 
  pas.
  Tout est dans la vision.
  La trompette va arriver, et la trompette, c’est concret, on la voit malgré 
  tout, et ce que je demande, moi, c’est de l’abstrait, ce souffle 
  qui pénètre en nous, enfin bref, on se l’imagine plutôt.
  Eh!bien il faut que ce souffle qui pénètre en nous, ça 
  soit du concret, que la trompette qui arrive, ça soit abstrait.
  C’est pour ça qu’il faut une grande concentration intérieure 
  et au moment où la trompette arrive sur les lèvres, eh!bien nous 
  on est là où l’inspiration se transforme en expiration.
  (Retour sur François)
  Oh ! c’est fantastique ! et ça joue, c’est vivant, et 
  puis c’est tellement agréable, on cherche quelque chose qui est 
  bon.
  Non, on est dans la tête en ce moment, je vous vois penser.
  Vous pensez, eh! bien oui, pourquoi je vous vois penser ?
  Vous commencez à triturer vos lèvres, ça veut dire que 
  vous allez vous mettre quelque chose là, alors ça mon ami, on 
  peut avoir la gueule sèche, mouillée, peu importe, ça n’a 
  plus aucune espèce d’importance, parce que là, c’est 
  la sortie, ce n’est pas la fabrication.
  La fabrication est là en bas, on en a pris conscience tout-à-l’heure, 
  la poussée était bien là, et pas là haut, là 
  haut ça passe, c’est un passage, la trompette arrive mais on ne 
  s’en occupe pas.
  Ce qui nous... oh ! il pense !
  Il suffit de stabiliser sa vision sur le nombril, là, c’est le 
  vide immédiat,
  C’est très bien ça, hein, ne pensez pas.
  C’est la vision, on appelle ça la vision créatrice, 
  eh!bien, on en profite, vous rappelez le TU, ça y est, il pense, c’est 
  foutu, c’est pas tout à fait ça, parce qu’on était 
  pas là, sur le nombril.
  Lorsque, par exemple, mon embouchure va arriver, c’est le plaisir, le 
  plaisir c’est un élan.
   Quand on prend un élan pour franchir un obstacle, arrivé 
  devant l’obstacle, emporté par l’élan, boum, ça 
  y va, ça joue, il ne faut pas jouer, ça joue, je ne joue pas sur 
  les mots.
  Quand on a envie de chanter, uhhh, on chante, chantez ! On n’est pas là 
  en train de.....ça chante.
  Derrière la trompette, c’est pareil, il faut que ça s’intériorise 
  comme le chant, c’est pareil.
  Chantez !
  C’est de l’or !! Mais vous ne savez pas ce que vous avez fait, c’est 
  pour ça que c’était bien.
  Vous êtes bon, à condition de ne pas vous poser de questions, je 
  vais vous dire ce qui s’est passé , vous avez eu une inspiration 
  bien, propre, dans le bon sens, et puis ça a joué. A la fin de 
  cette inspiration, ça jouait.
  Encore !
  Vivez votre inspiration ! Régalez vous !
  Vous savez bien que dans la vie tout est basé sur la préparation.
  On prépare, on prépare, on prépare.
  Si on a bien préparé, bon, il y a une explosion qui est là, 
  c’est comme en amour, tout est basé sur la préparation, 
  quand tu as craché ta purée, tu as l’air d’un con 
  !
  Préparation, préparation, préparation,
  Et puis forcément, au bout du compte, ça y est, ça joue, 
  c’est la même chose, seulement il faut se régaler dans la 
  préparation.
  Il ne faut pas faire un exercice respiratoire, si on fait un exercice respiratoire, 
  on se bloque, et puis il faut jouer, tandis que là, c’était 
  très très bien, parce que ça jouait.
  c’est la même chose, on ne le fait pas, on vit, il faut vivre, il 
  n’y a pas de retour, c’est le non-retour, c’est le non-faire, 
  voilà, ça s’appelle vivre et non faire, si on vit bien ça 
  se fera, voilà ça joue, mettez la sauce et puis ça y est, 
  c’est parti !
  Dans ce son qu’on n’a pas fait, il y a toutes les couleurs.
  On y va...stop..., l’inspiration était moins bien, elle était 
  un peu au sommet, il faut qu’elle arrive ici, sur le nombril, allez on 
  y va ! Il faut se décontracter à la fin de l’inspiration, 
  comme ça, ça joue.
  Il n’y a pas besoin de se tourmenter puisque dans le son, que nous ne 
  faisons pas, il y a tous les harmoniques, on a vécu le son, on ne l’a 
  pas fait.
  95 % des garçons aujourd’hui assurent le son qu’ils désirent, 
  donc ils assurent, seulement, ils sont sur la gueule, ils sont sur un seul harmonique, 
  ils ne sont pas sur le son, le son c’est quelque chose qui contient tout, 
  toutes les couleurs, tous les harmoniques.
  Tout le monde bouffe des notes, des notes, alors que les notes, ça existe, 
  mais il faut les apprendre pour les oublier, parce qu’on ne fait pas des 
  notes.
  Les notes représentent d’ailleurs des durées et des sons. 
  Moi, je ne sais pas si ça va sortir, mais lui, le subconscient, il le 
  sait, la preuve, chantez ! il ne s’est pas trompé, ça s’appelle 
  la confiance en soi.
  C’est bien.
  Mais quand on finit il faut continuer, au début c’est très 
  bien, mais après, on écoute, ou du moins on entend fortement, 
  alors que si on restait sur le sac d’air, ça serait extraordinaire, 
  le départ est excellent, alors c’est la suite qui ne va pas, pourquoi 
  ?
  Parce qu’on est content, on écoute, mais on n’est pas auditeur, 
  attention ! Ça sert à quoi de s’écouter ? à 
  rien, c’est sorti, c’est sorti, si c’est beau, on pavoise, 
  si ce n’est pas beau, on fait la gueule, mais c’est quand même 
  sorti, voilà, bouchons-nous les oreilles, l’entendement est là, 
  sur le nombril, comme s’il y avait un soleil, des vibrations.
  C’est une manière de vivre, ça devient instinctif.
  Les lèvres :
  Les lèvres doivent être fermes, comme pour siffler, on est donc 
  sur l’air.
  Les anciens étaient des artistes, ils préconisaient le filage 
  de son, ça voulait dire on commence pp, p, mf, f , ff, fff, ffff, fff, 
  ff, f, mf, p, pp, alors que ça n’a pas été fait pour 
  la nuance, finalement.
  Ça a été fait pour ouvrir son corps, je le sais parce qu’on 
  m’a dit de filer des sons, alors moi j’ai filé avec le son, 
  et qu’est ce qui s’est passé ?
  Plus j’allais vers l’extérieur, plus je me rétamais, 
  alors qu’il faut aller verticalement vers le bas.
  Regarde comment devient la gueule : pointue.
  Je ne l’ai pas fait, ça s’est fait tout seul, parce que mon 
  souffle s’intériorise, c’est tout, tu vois ? Pour un peu 
  mon embouchure se décolle, et là, j’ai la pince, j’ai 
  la vibration, sans la chercher, bien jouer veut dire être sur l’air, 
  c’est fantastique!
  On vient de travailler dans l’ordre dans lequel on doit construire. Il 
  ne faut pas oublier la racine.
  La lèvre est un faux problème, absolument, j’ai toujours 
  dit que c’était le souffle qui faisait la lèvre, ça 
  c’est sûr!
  Il faut poser l’embouchure sur deux lèvres qui se touchent, si 
  on est heureux, bravo!
  Si on n’est pas heureux, on n’y est pas et puis c’est tout.
  L’histoire n’est pas compliquée, il faut être ailleurs 
  que sur les lèvres, si on est sur les lèvres, on est incapable 
  de jouer, l’embouchure se décolle d’elle-même, je n’ai 
  pas à la décoller.
  Il faut toujours s’intérioriser, c’est pour ça que 
  le son filé est très bien, mais seulement en laissant vraiment 
  filer le son, et toujours avoir cette verticalité, cette ouverture du 
  corps, pas autre chose.
  Quand on chante, le corps s’ouvre, s’ouvre, s’ouvre!
  
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