
J'ai construit la plus mauvaise trompette du monde. L'idée 
  était de fabriquer un instrument qui aurait des résonances naturelles 
  sans rapport, même lointain, avec une série d'harmoniques, et je 
  crois y être assez bien arrivé. Ma trompette, que j'appellerai 
  la "WW" (world's worst = la pire au monde, NdT), consiste en une boîte 
  de café Maxwell House de 39 oz avec deux trous percés dans le 
  fond. J'ai soudé le pavillon d'un cornet "Olds Ambassador" 
  dans un des trous et un morceau de tube dans l'autre. Ensuite, j'ai enfilé 
  une branche d'embouchure Bach modèle 25 dans le tube et remplacé 
  le couvercle en plastique sur le dessus de la boîte. Et voilà la 
  WW ! Le son est épouvantable, et si j'attache le tube et le coude du 
  pavillon ensemble, je peux obtenir un son de bidon d'huile en jouant.
Le dispositif expérimental 
  est le même que celui que j'ai utilisé pour les vraies trompettes. 
  La WW était mise en vibration par un petit haut-parleur collé 
  sur le bord d'une embouchure, équipée d'un tube soudé sur 
  un trou percé dans la cuvette auquel j'ai fixé une petit microphone. 
  J'ai également placé un micro Shure BG4 à environ 1 cm 
  du pavillon. J'ai excité le haut-parleur avec un signal sinusoïdal 
  balayant en 10s les fréquences de 100 à 2000 Hz et obtenu le spectre 
  de résonance mesuré par chacun des deux micros en moyennant plusieurs 
  balayages. J'ai essayé de trouver des ratios entiers entre les fréquences 
  de résonance, et le seul que j'aie trouvé est un rapport voisin 
  de 3/2 entre la 3ème et la 2ème résonance. Les résultats 
  sont présentés à la figure 1.

La courbe du haut montre les résonances mesurées par 
  le niveau de pression acoustique dans la cuvette de l'embouchure. Les flèches 
  indiquent les points les plus proches d'une série de multiples entiers 
  d'un faux fondamental. L'allure générale de la courbe est remarquablement 
  proche de celle d'une vraie trompette. La courbe du bas montre le signal en 
  sortie du pavillon : sans commentaires !
J'ai joué ensuite trois notes qui avaient l'air de "sortir" 
  correctement en utilisant une embouchure normale et j'ai enregistré le 
  bruit obtenu en haute résolution. Les trois graphiques suivants montrent 
  le spectre obtenu. Pour les obtenir, j'ai pris la moyenne sur environ une seconde 
  de la partie centrale de chaque note. Si je vous dis que la WW peut produire 
  des transitoires intéressantes à l'attaque d'une note, vous pouvez 
  me croire !
Comme vous le voyez, les principaux pics du spectre sont en relation 
  harmonique avec les notes "jouées", comme il est normal pour 
  tout son périodique, aussi laid soit-il. Les trois notes jouées 
  peuvent être considérées comme les trois premières 
  résonances naturelles de la WW. Il y a malheureusement des pics secondaires 
  (à un niveau d'environ -20 dB) qui n'ont pas de relation harmonique et 
  sont donc apériodiques. Ils doivent provenir des vibrations des parois 
  de la boîte de café. Les résonances naturelles d'une membrane 
  circulaire ne sont pas en relation harmonique ; les fréquences correspondent 
  aux zéros successifs d'une fonction de Bessel. C'est ce qui donne  
  au banjo son son caractéristique. Comme pour une vraie trompette, 
  les résonances naturelles sont à des fréquences plus hautes 
  que les notes jouées.



Il n'y a pas de relation simple entre les fréquences des résonances naturelles d'une trompette. Obtenir des notes justes demande du savoir-faire et de nombreux essais, et il n'est pas surprenant qu'aucune trompette ne soit parfaite. C'est une erreur d'appeler "harmoniques" ou "partiels" les résonances successives d'une trompette. Les harmoniques (et les partiels) sont, à proprement parler, les composantes du spectre de fréquence d'un son et toutes ces composantes sont produites simultanément. On peut faire que les notes jouables soient proches des résonances naturelles, mais ces notes auront des harmoniques sans relation avec aucune résonance naturelle de l'instrument.
Remuez vous, Dave Monette et Cliff Blackburn, la WW est née !John T. Lynch